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  • : Ecritures à la loupe
  • : Présenter des écritures manuscrites d'écrivains célèbres avec une étude graphologique, des comptines pour enfants, l'un de mes romans et beaucoup de mes coups de coeur, voilà l'objectif de ce blog. J'espère que vous vous y sentirez également chez vous...
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Mes romans

histoire

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30 novembre 2009 1 30 /11 /novembre /2009 14:43


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Une histoire ... (5)


 


 



Plusieurs semaines s’écoulèrent sans que La Parisette ne donne signe de vie.

 

En son absence, Lorentz et le hibou Markus s’entretenaient souvent de nuit sur les lois de la perspective et sur la théorie de l’espace euclidien. Si je ne comprenais pas un mot de leurs explications scientifiques, en revanche, le doux son de leurs voix mêlées suffisait à me bercer et à me plonger dans des rêves où la forêt se peuplait de sapins dont les côtés se prolongeaient à l’infini et venaient rendre visite aux étoiles.

 

On connaît l’excellente vue nocturne des hiboux mais on ignore à tort leur ouïe qui est des plus sophistiquées. Ainsi, à la première aube de septembre il poussa un uhulement qui me sortit de ma torpeur et glaça d’effroi Lorentz. Interrogé sur la raison de son cri, il nous répondit qu’il avait entendu un bruit suspect et inquiétant : un bruit d’herbes froissées, de ricanements étouffés et les gémissements apeurés d’une bête inconnue. La frayeur lui faisant perdre sa sagesse légendaire, il se lança dans une prédiction de catastrophes imaginaires qui, sans la présence rassurante de l’Argoulet, m’aurait donné la force de sortir mes racines de terre et de m’enfuir le plus loin possible du lieu de ma naissance.

 

Quelques instants suffirent pour donner corps à sa prophétie. La Parisette et La Tourmentine firent leur apparition, traînant dans une cage de branches de bouleau et à roulettes de coquilles de noix, un animal au pelage brun tremblant du bout du museau à l’extrémité de sa longue queue touffue.

 

Si Markus avait l’ouïe et la vue particulièrement bien développées, il lui manquait un peu d’odorat pour juger de l’horreur de la situation. L’animal empestait tellement que Lorentz préleva un minuscule bout de résine sur mon écorce pour se boucher les narines. Les deux comparses à la mine réjouie tractèrent la cage à quelques pieds de moi et s’assirent sur un coussinet de mousse pour reprendre leur souffle. Je remarquais alors qu’elles ne semblaient guère indisposées par la puanteur ambiante. Au lieu de se boucher le nez, comme tout être sensé l’aurait fait à leur place, elles puisaient dans un petit sac de corolles d’anémones sauvages des gouttes d’une essence rare de fleurs des montagnes dont ensuite elles s’enduisaient abondamment le corps et la chevelure.

 

Lorentz, d’une voix nasillarde me donna la clé du mystère : l’animal enfermé dans la cage, était un putois qui manifestait sa peur en rejetant ces effluves nauséabondes. Il ne put m’en dire plus, car il porta soudain sa main à son front et je vis ses yeux se plisser, larmoyer, son museau se retrousser jusqu’à ce qu’un terrible éternuement ne fasse valser à quelques mètres de là, les boules de résine protectrices. Les rires aigus des deux lutines déclenchèrent chez le putois une nouvelle vague d’anxiété et en conséquence une nouvelle émission de flux répugnants.

 

Quelle idée farfelue avait bien pu germer dans la tête des deux lutines pour nous ramener un prisonnier aussi encombrant que malodorant ?

 

Lorsque je compris que l’Argoulet souffrait d’une sinusite chronique et d’une allergie à l’odeur du putois, tout un pan de l’énigme se leva dans mon esprit. Comme pour me donner raison, La Parisette, après avoir congédié La Tourmentine, réclama de nouvelles parties de jeux de devinettes. Lorentz qui souffrait le martyre de violents maux de tête, n’était plus à même de réfléchir et de donner les bonnes réponses aux questions. La lutine accumula les victoires par ce pitoyable stratagème et son humeur se fit de plus en plus guillerette. Elle prit l’habitude dès que les sinus de mon ami se débouchaient, d’affoler par des pas de danses diaboliques et des cris stridents le pauvre putois enfermé dans sa cage avec le résultat que l’on connaît.

 

Je mis ces preuves de méchanceté sur le compte de l’exécrable influence de La Tourmentine car le reste du temps, sa légèreté, sa grâce, ses élans de générosité faisaient presque oublier ses mauvais penchants.

 

L’épisode du putois prit fin au début du mois d’octobre, la réserve d’essence de fleurs qui protégeait La Parisette étant épuisée. L’animal fut libéré de sa cage et manifesta sa panique par un nouveau cadeau olfactif.

 

Je pensais que nous allions retrouver l’amusante routine et que, Lorentz une fois guéri, nous pourrions reprendre mon éducation, là où sa sinusite l’avait laissée en attente.

 

Hélas, trois fois hélas, le pire était à venir…

 

Le malheur s’annonça par de sourds coups répétitifs qui firent s’envoler les oiseaux, déguerpir les lapins de leurs terriers, trembler la sapinière des racines à la cime.

 

Vous frissonnez dans votre sommeil ? Pourtant vous n’êtes pas au bout de vos peines… Remontez les couvertures et attendez-vous au pire…

 

 


 

 

A suivre...

 

 


©Alaligne

 

 


 

 

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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 12:14


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Une histoire ...  (4)


 


 


La cohabitation s’annonçait plutôt difficile mais mon ami Lorentz s’arma d’une patience admirable pour supporter les multiples taquineries, les petits sorts inoffensifs mais tellement agaçants dont la Parisette usait à son encontre. Je ne compte plus le nombre de fois où  elle affubla ses pieds délicats de sabots de bouc, son front bombé de cornes de chamois, ses doigts menus de griffes d’ours et les centaines de douches à la bave de limace qu’il endura sans laisser échapper le moindre soupir.

 

Une telle abnégation, un tel dédain des offenses porta partiellement ses fruits. La Parisette ne trouvant aucun écho à ses provocations, elle finit par se lasser et le laisser en paix. Une guerre où l’un des deux clans refuse de se battre n’excitait plus ma jolie lutine. Il arriva même, certains jours de printemps, que nous jouions à trois au jeu des devinettes dans une ambiance de franche camaraderie. Malheureusement, Lorentz ayant l’esprit le plus aiguisé de nous trois, le jeu souvent tournait court et la lutine décida de l’affubler du sobriquet « Monsieur-je-sais-tout ». Il ne releva pas la formule, se contenta d’hocher la tête en souriant gentiment.

 

« Dois-je faire semblant de ne pas savoir ? » me questionna-t-il un jour où, baveux et limaceux des pieds à la tête, il venait de gagner une nouvelle partie. « Dois-je mentir pour perdre et la laisser gagner ? ».

 

Que mon ami, vienne auprès de moi chercher conseil me remplit d’orgueil, sentiment que je n’avais pas encore expérimenté. J’étais, hélas bien trop jeune pour le conseiller et pour être totalement franc leurs différences m’amusaient bien plus qu’elles ne m’irritaient.

 

J’ai grandi ainsi une année entière entre les jeux de La Parisette et les leçons de choses de l’Argoulet. Pour reprendre une image que vous affectionnez dans vos livres de psychologie et dans vos débats télévisés, j’ai quitté progressivement et en douceur l’unique principe de plaisir pour me frotter à celui de réalité.

 

Hum ! Je vois les plus jeunes d’entre vous froncer des sourcils dans leur sommeil. Je vais tenter d’être plus clair : je ne passais plus mon temps à jouir sans modération des rayons du soleil, à me gaver d’eau à la moindre ondée, à puiser dans mes racines la nourriture n’importe quand, c’est-à-dire presque tout le temps, mais je commençais à attendre les rayons de soleil pour mieux en sentir la chaleur, à profiter de la pluie pour me désaltérer seulement quand j’avais vraiment soif ; j’avais compris que si je voulais manger tous les jours, il me fallait contrôler ma faim. Cela, mes jeunes amis, ne m’attrista pas un seul instant car je découvris que le plaisir est encore plus intense lorsque l’on ne cède pas immédiatement à ses envies. Pas de quoi être désespéré, bien au contraire !

 

« Monsieur-je-sais-tout », pardon… Lorentz… comprit vite la transformation qui s’opérait en moi et s’en réjouit ouvertement déclenchant une fois de plus les sarcasmes de La Parisette qui le gratifia d’un second surnom « Monsieur-pisse-vinaigre ».

 

Il prit la chose comme il avait pris la première… avec le sourire et sans le moindre ressentiment.

 

Toutes ces chicaneries prirent fin au début de mon second été, lorsque La Parisette reçut la visite de la Tourmentine. Tout d’abord et me fiant à ce que mon amie m’avait raconté sur la diablesse, je crus qu’elles allaient se crêper le chignon. Quelle ne fut pas ma surprise de les voir, bien au contraire se dire des messes basses, ricaner comme de vraies complices, partir bras dessus bras dessous dans le sous-bois en sifflotant et en nous jetant de furtifs regards moqueurs.

 

Je m’en ouvris auprès de Lorentz qui prit le parti d’en rire et de me signaler que cela nous laisserait plus de temps et surtout plus de calme pour poursuivre mon éducation. Comme beaucoup de personnes attachées au savoir, mon ami Argoulet se concentrait sur la mission qu’il s’était fixée à mon endroit et fermait les yeux devant une évidence toute bête : les deux lutines préparaient un tour à leur manière.

 

Il profita de ces longs moments de répit pour m’enseigner les bases de l’arithmétique, les propriétés du triangle isocèle, eu égard, m’expliqua-t-il à ma forme géométrique et me récita par cœur les pensées de Montaigne, ce qui occupa beaucoup, beaucoup, de  notre temps !

 

Je compris alors que la devise « Que sais-je ? » du grand philosophe gouvernait à la fois son cœur et son esprit.

 

Oups ! Je vous sens glisser dans un sommeil profond… Je vais lutter de toutes mes forces et profiter des courants ascendants pour porter jusqu’à vos oreilles la suite de mon histoire. Ce n’est guère le moment de lâcher le fil, les événements vont s’enchaîner inexorablement…

 

 


 

 

 

 

A suivre...

 

 


©Alaligne

 

 

 

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22 novembre 2009 7 22 /11 /novembre /2009 15:27


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Une histoire ...  (3)


 



 

Je m’en veux d’avoir altéré la qualité de votre sommeil. Je sais ce qu’il me faut faire : un peu de yoga, quelques exercices de respiration, de pranayama comme dirait ma Parisette très versée en philosophie indienne et me voici prêt à vous narrer la suite des événements. Et puis, même si l’honnêteté intellectuelle est une qualité que j’ai apprise sur le tard, je dois reconnaître que la fréquentation quotidienne d’une lutine au tempérament farceur ne présente pas que des inconvénients, bien au contraire.

 

Pendant les longs mois d’hiver que nous passèrent ensemble, - elle, au couvert de mon plumeau d’aiguilles, moi, sous le charme de sa joliesse et de ses tours de magie - elle m’apprit beaucoup de choses très utiles dans la vie : tromper l’ennui des longues soirées de décembre en jouant au morpion dans la neige, fabriquer un chaud tapis de sol avec des poils d’écureuils, attirer des Sotré en chantant des comptines pour leur chiper leurs colliers de champignons séchés, s’éclairer la nuit en confectionnant un capteur de rayons de lune, se boucher les oreilles avec des boules de lichen lorsque Rübezalh, le Seigneur des montagnes, vocifère ses ordres aux gnomes et mauvais esprits de la terre et déclenche des avalanches meurtrières. La liste est loin d’être exhaustive et j’hésite à vous raconter par le menu tous les tours pendables que dans sa malice et mon innocence nous expérimentèrent sur une bonne partie du petit peuple des forêts. Toujours est-il que cette délicieuse classe d’hiver avec un professeur « es farceries » me rendit plus dégourdi et espiègle que vous ne pouvez - pour l’instant - l’imaginer.

 

Elle était non seulement coquine, mais capable aussi, entre deux facéties, d’élans de générosité sincères et quand pour mon premier Noël, elle m’offrit un bouquet d’étoiles enveloppées dans un film de poussières de comètes, mon cœur fondit.

 

Pourtant le plus beau cadeau que je reçus en ce début d’existence, je le dois au hasard. Un jour de janvier où ma Parisette s’était éloignée pour chantonner quelques comptines dans l’intention de se réapprovisionner en colliers de champignons, le vent se leva en tourbillons et je sentis l’extrémité d’une de mes branches ployer très légèrement.

 

Je ne distinguai d’abord rien qui puisse justifier la nouvelle courbure du rameau, pas même l’ombre d’un duvet d’oiseau et mon réflexe fut de secouer mes aiguilles pour les redresser tout de go vers l’azur. Une bordée d’injures m’arrêta dans mon élan.

 

Je vous conseille vivement d’être toujours muni d’une paire d’yeux de lynx, d’aigle, ou à défaut d’une loupe à fort grossissement (plus pratique à ranger dans sa poche qu’un microscope binoculaire) et de vous en servir à la moindre sensation d’effleurement.

 

Heureusement mon âge tendre m’assurait un regard perçant et c’est ainsi que je découvris, en équilibre sur une aiguille, un Argoulet minuscule à museau de belette. Voyant que je l’avais découvert, il me gratifia d’une révérence gracieuse et d’une voix qui me parut fort portante pour un être de si petite taille, il m’informa qu’il se prénommait Lorentz.

 

Elégant dans son manteau d’écailles de lépiotes, raffiné, cultivé et courtois en dehors de quelques jurons qu’il n’employait, m’assura-t-il, que lorsque sa vie était en danger,  il présentait également l’avantage de ne se nourrir que des parfums de sous-bois et des vapeurs de rosée. Comme il me demandait, avec maintes formules de politesse, le gîte et le couvert, ce dernier point m’ôta toute forme de réticence. Empruntant mes branches et mon jeune tronc ainsi qu’un toboggan, il glissa jusqu’au tapis de poils d’écureuils que j’avais tissé avec la Parisette, puis me livra de multiples secrets dont celui de parler grâce au vent et aux oiseaux migrateurs ; talent dont j’use auprès de vous maintenant.

 

Je mis à profit l’absence de ma lutine pour accroître mes connaissances. Séduit par ses belles manières, ses doctes paroles mais aussi son franc parler, la simplicité et la gentillesse avec laquelle il m’expliquait les choses les plus compliquées, partageait avec moi son savoir, je sentis poindre au plus profond de mon bois deux sentiments troublants et inaltérables : le respect et l’amitié.

 

Lorsque la Parisette revint les bras chargés de colliers de champignons séchés, elle jeta un regard noir à l’attention de mon nouveau compagnon. Se crût-elle ignorée, remplacée au pied de mon tronc par un étranger envahissant? Toujours est-il qu’elle affecta un air méprisant, repoussa avec rudesse Lorentz à l’extrême bord du tapis et m’enfonça cinq ongles acérés dans l’écorce.

 

La jalousie est un sentiment que j’ignorai quelques instants auparavant.

 

C’est alors que Lorentz me murmura ces mots : « un vieux proverbe dit : l’ami de tout le monde, n’est l’ami de personne. »

 

Je lui souris béatement, sans avoir réellement compris le sens de sa phrase. L’avenir m’en fit comprendre toutes les nuances.

 

Je sens votre attention faiblir. De toute manière, un corbeau vient de m’annoncer l’arrivée imminente de plusieurs rafales de vent. Je laisse le temps à la bourrasque de passer.


M'attendrez-vous?  N'allez-vous pas en profiter pour partir à la quête de rêves ailleurs ?

 

 


 

 

 

 

A suivre...

 

 


©Alaligne

 

 

 

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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 15:10


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Une histoire ...
  (2)


 




N’ayant jamais été précoce, il me fallut attendre la fin du printemps pour émerger de mon nid douillet et prendre toute la mesure de la beauté de ma pouponnière sylvestre. Il faut surtout vous dire que j’ai débuté mon existence dans un écrin de verdure, un monde magique, le Scwarzwald. Je sais, ce mot chuinte beaucoup, mais si je murmure ce nom, il glisse comme de la guimauve, s’effiloche comme de la barbe à papa.

 

Vous n’êtes pas convaincus ? Bon, alors si je vous dis, la Forêt-Noire… Pas le gâteau, bande de gloutons, mais la belle et profonde forêt, celle des contes des frères Grimm, de Hänsel et Gretel, du petit Hans, des musiciens de Brême, des trolls et des lutins. Si j’ajoute que j’ai grandi dans les senteurs des digitales, des orchidées sauvages, de la gentiane et des pensées sauvages, que mes premiers compagnons de jeux furent des faons, puis des chevrillards, de jeunes chamois, des daguets, et des marcassins, que j’ai été bercé par le chant des fauvettes, des bergeronnettes des ruisseaux, du bruant jaune, de la gelinotte et des mésanges, que j’ai été veillé la nuit par des hiboux et des chouettes, vous comprendrez aisément que cette période de ma vie sous la houlette du principe de plaisir ait duré un peu plus longtemps que pour certains de mes congénères, élevés en rase campagne. Pas de quoi entrer en thérapie, mais quand même !

 

Une enfance bénie par Dame Nature, sans contraintes, sans soucis. Mon premier été fut un délice. Chaque journée apportait son lot de nouvelles découvertes et je me m’enivrais de bonheur en sentant ma jeune sève darder jusqu’à la pointe de mes premières aiguilles, les propulser de quelques millimètres supplémentaires vers le ciel. Je n’ose à peine vous avouer les rêves de grandeur qui m’envahissaient dans ces moments là, particulièrement quant au loin j’apercevais ma mère droite comme un « i » dominant du haut de ses vingt toises un parterre d’épines roussies. Oui, un jour, moi aussi, je pourrai faire le fier, jeter mon ombre sur les eaux scintillantes du Schluchsee, devenir le refuge des écureuils, abriter à mon tour des couples de becs-croisés.

 

Le premier bémol à ce tableau paradisiaque arriva un soir d’octobre. Tout d’abord je crus que mon ami Markus, le hibou, perdait son duvet de plumes blanches. Mais au rythme où les plumes tombaient sur le sol et noyaient de blanc le paysage alentour, je dus me rendre à l’évidence : un seul Markus ne pouvait être à l’origine d’une si profonde transformation. De petits picotements dans mes racines, le silence qui régnait sur la forêt, la livrée de ma mère qui devenait bicolore, tout cela me parut fort bizarre. Instinctivement, je serrai mes aiguilles, me recroquevillai sur mon tronc, lorsque soudain elle m’apparut.

 

Haute de dix pouces, elle cachait une délicate chair d’un rose pale sous de longs cheveux piquetés de mousse et sous une cape translucide d’ailes de papillon. Pieds nus dans le tapis de plumes blanches, elle tremblait de tous ses membres, jetait des regards éperdus dans ma direction.

Mon inexpérience et mon inconscience m’inclinèrent à lui proposer l’abri de mes chétives branches pour lui venir en secours. Elle ne se fit guère prier pour accepter mon offre.

 

Je découvris un sentiment sans l’aide de personne: celui de l’autosatisfaction.

 

Blottie contre moi, elle m’expliqua qu’elle était une Parisette, lutine connue pour son humeur joyeuse, mais impitoyablement poursuivie par les maléfices de son ennemie jurée, la Tourmentine. Jalouse de sa beauté, celle-ci l’avait condamnée à ne vivre qu’une saison et à périr dès les premières gelées. La jeune lutine cherchait un moyen de déjouer les plans de l’odieuse créature et profitant de son aversion des sapinières, s’était réfugiée au cœur du domaine des grands épiceas pour échapper au sortilège. Hélas, l’hiver avançait à grands pas et ce que j’avais pris pour des plumes blanches étaient, me précisa t-elle, des flocons de neige, signes annonciateurs de son imminent trépas.

 

Que ne l’ai-je alors rejetée à son sort, que ne l’ai-je laissée grelotter sous les flocons assassins, que n’ai-je résisté à ses adorables yeux bleus emplis de fausse candeur. Elle s’était bien gardée, la traîtresse, de me préciser que de sa dépouille renaîtrait au printemps une nouvelle Parisette et qu’il en était ainsi depuis la nuit des temps.

 

La colère me fait perdre le souffle et les oiseaux migrateurs, eux-mêmes glacés par mes propos, battent moins bien des ailes.


Vous ont-ils transmis mes paroles ? M’avez-vous entendu ? Dormez-vous toujours ?

 

 

 

 

A suivre...

 

 


©Alaligne

 

 

 

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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 09:50


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Une histoire ...
(1)



 


J’ai longtemps hésité avant de vous raconter mon histoire. Cette hésitation n’est  pas le reflet d’une quelconque pudeur, encore moins d’une certaine humilité. Ces sentiments, je vous les laisse, personne ne me les a appris.

 

Non, si j’ai hésité si longtemps, c’est parce qu’il me fallait des circonstances favorables, voire exceptionnelles : un ciel dégagé du moindre cumulus, un vent ni trop fort, ni trop faible, un temps sec et la souplesse des ailes de quelques oiseaux migrateurs pour porter mes mots, leur faire franchir des lieux par milliers, les glisser par quelques fissures ou entre bâillements de portes, les faufiler sous les couettes, leur permettre de  chatouiller vos oreilles dans votre sommeil et ce, la nuit de Noël.

 

Il est vrai que vous ne me facilitez pas la tâche. Entre vos pollutions qui dressent des obstacles à chaque syllabe de mes mots et les précautions que vous prenez pour lutter contre ce même fléau en calfeutrant vos demeures, vos appartements, avec vos doubles vitrages, vos joints de silicone, vos fermetures hermétiques, vos laines de verre, je ne compte plus les embarras, les bosses, les plaies, les écorchures. Un miracle si mon récit parvient à peupler vos rêves !

Pourtant, il s’agit bien d’une histoire à dormir debout.

 

Il se peut que chahuté par tant de mésaventures, le fil de ma narration ne prenne les allures d’un texte en code Morse avec ses silences, ses ti ti ti et  ses ta ta ta. S’agit-il pour autant d’un signal de détresse ? Rassurez-vous, je ne suis pas du genre geignard  et si ma vie prend parfois des allures de cauchemar, j’espère qu’à votre réveil c’est le sourire qui s’épanouira sur vos lèvres.

 

Bon, là, le vent se calme, mes paroles vous parviennent plus lentement mais aussi plus distinctement. C’est le bon moment. Tendez l’oreille…

 

Ma naissance, je la dois à un bec-croisé - croix de bois, croix de fer, si j’meure, j’vais en enfer- pour être précis, à une femelle bec-croisé qui avait nidifié sur une branche horizontale au sommet de ma mère.

 

A titre personnel, j’eus préféré son époux  au plumage chatoyant et au croupion écarlate. Madame n’arborait qu’un terne manteau grisâtre, couleur qui se révélera plutôt en phase avec certaines époques de mon existence.  Donc, Madame bec-croisé, toute de gris vêtue, s’affairait à décortiquer un cône que ma mère dans son infinie générosité laissait pendre au bout d’une longue branche. Usant de ses pattes et de son bec comme un cacatohes huppé, elle extrayait les graines qui, peu à peu, glissaient sur sa langue. L’effort et la concentration accaparaient ses sens à tel point qu’elle ne vit pas l’ombre planante dont les cercles rapprochés menaçaient son nid.

 

Lorsque l’ombre fondit sur l’oisillon, Madame bec-croisé n’eut d’autre recours que de prendre la fuite. Et oui ! Tout le monde ne peut bénéficier de l’agressivité naturelle du rouge gorge et de sa rage à défendre son territoire. Madame bec-croisé s’envola donc à tire d’ailes loin du carnage et lorsqu’elle lança dans les airs son « chip-chip » strident et désespéré, ce qui devait devenir moi, s’échappa de son gosier et après une lente et délicate descente vint se déposer dans l’humus frais de cette matinée baignée de rosée. Ce moi en puissance (excusez du peu) se nicha juste là où il fallait… A l’abri d’un bosquet de noisetiers et de grandes fougères qui me protégeraient des rayons trop ardents du soleil l’été, de la morsure de la bise et du gel l’hiver. Chère Madame bec-croisé comme il est doux votre « chip-chip » à mes oreilles et si mon cœur se serre à l’évocation du malheur qui fut ce jour là, le vôtre, il ne se serre qu’à moitié.

 

La pitié est un sentiment que l’on ne m’a pas convenablement enseigné.

 

Oups, j’ai senti un léger battement de vos cils…sachez réfréner votre indignation. Ce n’est pas le moment de vous éveiller si vous voulez connaître la suite…

Là, tout doux… et pas de ronflements qui perturberaient la transmission.

 

 

 

 

A suivre...

 

 


©Alaligne

 

 

 

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7 novembre 2009 6 07 /11 /novembre /2009 09:33


Fernand Pelez





 
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Foncez au Petit Palais qui honore en ce moment un peintre que j'ignorais complètement: Fernand Pelez.

Peintre montmartrois au profil de mousquetaire et au look de dandy, il commence comme tous ses copains peintres "académiques" par les grandes et insupportables tartines historiques, chrétiennes et mythologiques : Jésus insulté par les soldats ; La mort de l’empereur Commode… Le style n’est pas pompier, il est hyperpompier. C’est de la barbouille pour la salle des mariages de l’Hôtel de Ville de Carpentras… Mais, très vite, il abandonne toute cette soupe allégorico-comico-municipale pour devenir, en vrai missionnaire du pinceau, le peintre des pauvres. Et là commence la vraie vie artistique de Fernand Pelez.

L'écrivain, Patrick Cauvin, après avoir visité cette exposition nous livre ses réactions:

"Les toiles se succèdent, elles captent la misère au coin des rues : le petit marchand d’oranges, le vendeur de violettes ; sur les visages, la fatigue, la faim… Il faut voir le Saltimbanque, immense toile où, sous les oripeaux du cirque, sous les grimaces, les costumes de piste se cachent la désolation des pitres, les hontes des parias, le désespoir des Paillasse.

Peu à peu, les couleurs s’éteignent, l’art de Pelez prend son essor au fur et à mesure que sa palette s’uniformise et s’assombrit… Ses petits rats de l’Opéra qui se préparent dans les couloirs baignent dans la crépusculaire clarté d’Eugène Carrière.

C’est magnifique, c’est émouvant, on est loin des éternels ressassements des manifestations habituelles… Pelez ne connut jamais le succès… Il y a bien des raisons à cela : une société n’aime pas trop voir l’envers de son décor, surtout quand celui-ci est peuplé de malheur et d’accablement… Cela continue : les salles du Petit Palais étaient vides le jour de ma visite… La parole des humbles ne fait toujours pas recette… de l’autre côté de l’avenue, des enfants grassouillets posent dans des jardins pimpants, ici ils dorment écrasés sous des couvertures trouées… Et nul ne les regarde.

Courez voir Pelez, ne serait-ce que, pour le temps d’un regard, faire revivre, par un peintre oublié, le sombre carnaval des traîne-savates."


Pour avoir visité cette exposition... et dans les mêmes conditions (salles vides!!!) je ne peux que souscrire à ses propos.



Voici ci-dessous, la présentation en vidéo de cette exposition à ne manquer sous aucun prétexte:





Découvrez Fernand Pelez, peintre de la misère, au Petit Palais sur Culturebox !





A la même époque Aristide Bruant chantait dans les caf'conc' des textes où les héros surgissaient tout droit des barrières de la capitale.



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La publication du premier volume de ses œuvres, monologues et chansons intitulé Dans la rue, illustré par Steinlein  fit sensation. De Maurice Barrès à Anatole France , toute la critique se montra enthousiaste. Chacun salua le « poète sincère et vibrant, d’une rare originalité ».


Anatole France écrivit : « Le premier, Bruant a exprimé le pathétique de la crapule... » Quant àFrançois Coppée, il le fait recevoir à la Société des gens de lettres en 1891.


Ce dernier ne ménage pas ses éloges : « Je fais grand cas de Dans la rue et je le tiens pour un descendant, en ligne directe légitime, de notre Villon… ». C’est la réussite : on le chante sur toutes les scènes, Eugénie Buffet, déguisée en fille de barrière, fait applaudir, À la Cigale, À la Villette, À la Glacière, et lance À Saint Lazare ; Yvette Guilbert, vedette du caf’conc’, interprète À Belleville et Au Bois de Boulogne. Il atteint alors une gloire internationale et en 1895,  il abandonne son cabaret et part en tournée à l'étranger et dans des galas mondains.


Bruant est un travailleur sérieux. Dans sa poésie apparemment simple, la puissance du raccourci et la précision du terme dissimulent de longues recherches : « sept mois pour une chanson ! » a-t-il déclaré à propos de Biribi. Il lui fallait moins de temps pour composer les mélodies qu’il voulait nostalgiques et dépourvues de fioritures, à la manière de celle des cantiques de son enfance.

 

Décu et un poil cynique, retiré en 1895 dans son château à Courtenay, il tiendra les propos suivants devant un journaliste:

 

« Pendant huit ans, j’ai passé mes nuits dans les bocks et la fumée ! J’ai hurlé mes chansons devant un tas d’idiots qui n’y comprenaient goutte et qui venaient, par désœuvrement et par snobisme, se faire insulter au Mirliton … Je les ai traités comme on ne traite pas les voyous des rues … Ils m’ont enrichi, je les méprise : nous sommes quittes ! »


Que chantait-il donc, Aristide?... Par exemple ceci:

Fantaisie triste

I' bruinait... L'temps était gris,
On n'voyait pus l'ciel... L'atmosphère,
Semblant suer au d'ssus d'Paris,
Tombait en bué' su' la terre.

I' soufflait quéqu'chose... on n'sait d'où,
C'était ni du vent ni d'la bise,
Ça glissait entre l'col et l'cou
Et ça glaçait sous not' chemise.

Nous marchions d'vant nous, dans l'brouillard,
On distinguait des gens maussades,
Nous, nous suivions un corbillard
Emportant l'un d'nos camarades.

Bon Dieu ! qu'ça faisait froid dans l'dos !
Et pis c'est qu'on n'allait pas vite ;
La moell' se figeait dans les os,
Ça puait l'rhume et la bronchite.

Dans l'air y avait pas un moineau,
Pas un pinson, pas un' colombe,
Le long des pierr' i' coulait d'l'eau,
Et ces pierr's-là... c'était sa tombe.

Et je m'disais, pensant à lui
Qu' j'avais vu rire au mois d'septembre
Bon Dieu ! qu'il aura froid c'tte nuit !
C'est triste d'mourir en décembre.
J'ai toujours aimé l'bourguignon,
I' m' sourit chaqu' fois qu' i' s'allume ;
J' voudrais pas avoir le guignon
D' m'en aller par un jour de brume.

Quand on s'est connu l' teint vermeil,
Riant, chantant, vidant son verre,
On aim' ben un rayon d'soleil...
Le jour ousqu' on vous porte en terre.

(Recueil : Dans la rue)




J'ai aimé rapprocher dans cet article deux "bourgeois" qui mirent leurs talents réciproques au service des gueux. Vous pouvez écouter sur le lecteur Deezer en colonne de droite, Bruant chanter "Dans la rue".





Bon week-end!








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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 17:41

La sorcière immature



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« Cette grotesque verrue, ces dents gâtées, quelle misère !

Ce balai usé, ces bas, ces mitaines trouées, quelle galère !

Manque plus qu’un crapaud pour orner ton chapeau vert

De longues toiles d’araignées en guise de jarretières ! »

 

Ainsi persiflait une jeune apprentie sorcière.

 

L’aïeule bossue soupira et continua à mitonner son frichti.

 

« Pouah ! du sang de vipères, des poils de chauve-souris,

Pourquoi pas de la bave d’escargots mélangée à du riz ?

Sois de ton époque, tu verras que les plats tout préparés

Contiennent plus de microbes que ta soupe avariée ! »

 

Ainsi déblatérait la jeune écervelée.

 

L’aïeule bossue grogna et cracha dans la sombre gamelle.

 

« Pas besoin de balai, je me déplace par e-mails

Je colle des virus, j’invente et diffuse de fausses nouvelles,

J’ai mon profil sur Facebook, mon vrai réseau virtuel,

Je crée des buzz avec de faux crimes passionnels ! »

 

Ainsi tchattait l’horrible donzelle.

 

L’aïeule bossue se moucha dans le brouet et ajouta du piment.

 

« Tu crois pouvoir tenir encore bien longtemps

Avec tes sortilèges, tes maléfices, tes tristes onguents,

Tes chats noirs, tes doigts crochus, ta robe d’enterrement ?

Un p’tit conseil : fais-toi lifter, mets du strass sur tes vêtements ! »

 

Ainsi pérorait l’impertinente enfant.

 

L’aïeule bossue préleva dix gouttes de sa sinistre mixture

 et aspergea la jeune et sotte immature.

 

La gamine eut beau chouiner, hurler, proférer des injures

La voilà transformée, ni d’une ni de deux, en disque dur.

 

Quant à l’aïeule me direz-vous ?

 

Elle vendit sa recette sur Ebay et gagna plein de sous...

 

 


 

 

 

 

©Alaligne

 

 

 


 

 

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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 15:38

Juste quelques secondes de lendemain de Noces









L'ami Tranquilou et Alaligne...



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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 13:16




25 septembre 2009









Alban et Nathalie






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6 septembre 2009 7 06 /09 /septembre /2009 09:02


Les Oeufs à la Polignac


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Winnaretta Singer Polignac était la fille de l'américain Issac Meritt Singer (fameux inventeur de la machine à coudre) et de la française Isabella Eugenie Boyer.

La guerre franco-prussienne de 1870 les décident à s'installer en Angleterre. Ils vivent à Torquay dans une immense propriété achevée en 1873. Issac invite ses enfants d'un précédent mariage à venir y vivre. Après la mort d'Isaac, Isabelle se remarie, s'installe à Paris où elle tient salon.

Winnaretta Singer reçoit une formation d'organiste et de pianiste, mais on la dirige vers les arts plastiques.

En 1887, elle épouse le prince Scey Montbéliard, divorce en 1891 et obtient l'annulation du mariage par le Vatican en 1892. Elle fréquente les salons de Mesdames Poilly, Aubernon, Saint-Marceaux. Elle hérite d'une part de la fortune de son père. Elle achète le Palazzio San Gregorio à Venise où elle tient salon. L'un des premiers invités est Gabriel Fauré. Elle se fait bâtir une maison dans le 16e arrondissement de Paris, rue Cortambert où elle installe son atelier de peintre, mais qui devient un des lieux les plus importants de la vie mondaine de Paris.

En 1893 elle épouse Edmond Polignac (1834-1901) son aîné de 30 ans. Compositeur il a été élève de Reber. C'est un mariage blanc, mais un mariage heureux. Tous deux homosexuels, ils partagent la même passion du mécénat artistique. Leur apport à la création au début du XXe siècle est incalculable.

La même année, il achètent un second palais à Venise que devient rapidement le célèbre Palais Contirini-Polignac.Edmond de Polignac meurt en 1901. Jusqu'en 1939 Winnaretta joue un rôle de premier plan dans le financement de la création parisienne, particulièrement dans le domaine musical. Par des commandes, des auditions à son domicile, des soutiens financiers à des institutions de concerts, des secours à des musiciens.

Son action est associée en musique à Gabriel Fauré, Emmanuel Chabrier, Maurice Ravel, Reynaldo Hahn, Isaac Albeniz, Igor Stravinsky, Francis Poulenc, Darius Milhaud, Germaine Tailleferre, Jean Wiéner, Manuel de Falla, Erik Satie, Maxime Jacob, Igor Markevitch, Jean Françaix, Kurt Weill, Karol Szymanowski, Nicolas Nabokov, Henri Sauguet, les Ballets russes, Nadia Boulanger, Isadora Duncan, Ricardo Viñes, Blanche Selva, Clara Haskill, Lily Kraus, Rubinstein…

Elle meurt à Londres en 1942.

Femme raffinée, on lui doit cette préparation culinaire, simple mais hautement aristocratique, comme en témoigne cette lettre de son amie Colette qui précise exactement où l'on doit se procurer la truffe, base incontournable de cette entrée délicate:




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Et voici maintenant la recette manuscrite de ma grand-mère Léonie:




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Bon appétit!



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