James Ellroy, le Pape du roman noir américain
James Ellroy, (de son vrai nom Lee Earle Ellroy) le Pape du Roman noir américain est né le 4 mars 1948 à El Monte près de Los Angeles.
Si j'ai en commun avec lui d'être née le même jour (mais pas la même année), et un goût prononcé pour le suspense (cf. mon roman La Signature) ce ne furent pas ces petites coïncidences qui me firent tomber raide d'admiration dès la lecture de son premier roman.
Avec Ellroy, tout est en démesure… Personnage hors du commun, hanté à vie par le meurtre non élucidé de sa mère en 1958, alors qu'il n'avait que dix ans, élevé sans contrainte par un père aimant, mais fort peu à cheval sur les principes et la discipline, il devint vite un petit voyou attiré par la drogue, les filles et l'alcool. Après le décès de son père, livré à lui-même, il vécut en marginal, voire en SDF, jusqu'en 1978 où sans préparation ni formation préalable, il rédige son premier roman Requiem Blues qui sera publié en 1981.
Si l'on décide qu'un auteur ressemble à son oeuvre, le style d'Ellroy empreint d'une inventivité verbale crue et acide, dépeignant avec rudesse les recoins sombres de la société américaine, développant des mondes ambivalents, des personnages complexes aux moralités floues, des récits politiques et des vues sociologiques vitriolés, nous avons un tableau assez exhaustif de sa personnalité.
Ses romans dressent en effet un catalogue complet des obsessions et des folies les plus dangereuses de notre époque. Flics intelligents et ambigus (Lloyd Hopkins, le sergent héros d'une trilogie, est lui-même obsédé par un meurtre qu'il a commis), tueurs psychopathes, maniaques, pervers, personnages poursuivis par des enfances désaxées ou des crimes atroces, ivres de vertu, de coke ou d'ambition, et en quête de rédemption, tels sont les héros de James Ellroy qui, livre après livre, explore avec pessimisme la pathologie moderne.
Et si l'on accepte qu'une écriture manuscrite nous livre quelques clés de la personnalité et des obsessions d'un auteur de roman noir, comment ne pas ressentir au vu de ce graphisme au feutre noir, pâteux, lourd, presque collant toute l'ambivalence d'un homme qui jongle dans sa signature avec des courbes très féminines, des formes fœtales, une dimension des lettres peu ordinaire et laisse exploser dans des traits acérés, dans le condensé de l'écriture, la force de pulsions masculines inouies ?
Quelle ambiguïté entre le " TO BRIGETTE " écrit en capitales d'imprimerie, comme pour ne pas donner à voir, ne laisser rien transparaître, et l'expressivité totalement libérée du paraphe !
Quelle force dans ce graphisme, quelle énergie vitale dans les quelques lignes de ce travailleur titanesque qui dans American tabloïd, nous laisse à croire qu'il a décortiqué tous les dossiers de la CIA et du FBI de la première à la dernière page !
La noirceur du trait et la tentation de l'extrême se conjuguent parfaitement et se font l'écho de la démesure, mais aussi de la vision poétique, froide et dangereuse qui l'habite.
L'auteur du Dahlia noir, de White Jazz, de L.A. Confidential ou d' Un tueur sur la route est donc bien tel que son écriture nous le montre : Gigantesque!