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  • : Ecritures à la loupe
  • : Présenter des écritures manuscrites d'écrivains célèbres avec une étude graphologique, des comptines pour enfants, l'un de mes romans et beaucoup de mes coups de coeur, voilà l'objectif de ce blog. J'espère que vous vous y sentirez également chez vous...
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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 10:20

 

 

 

dollars3

 

 

Gamers


 

(1 et 2)


 

- Bon, les gars, on a le choix… De Des Moines à Providence comptez 1324 miles, soit, si on opte pour un trajet en voiture, la bagatelle de 21 heures 35 à condition de respecter les limitations de vitesse, de ne pas s’arrêter pour faire le plein, manger des donuts et vider sa vessie… donc, vous connaissant, je table sur 24 heures minimum. Si on prend l’avion, au plus rapide, c’est cinq heures avec une escale à Détroit de 4h40, décollage 6:00am, arrivée 11:23am… Vous en pensez quoi ?  

Peter se cala dans son fauteuil en attendant une réponse.   Gladys que l’épithète « les gars » avait mise temporairement hors course considéra avec une attention méticuleuse ses ongles courts fraichement vernis et découvrit avec horreur un éclat au petit doigt. Habituée à bourlinguer de tournois en championnats, le moyen d’atteindre Providence, elle s’en foutait comme de son premier coït vaginal. Une seule chose la tenait sur un grill d’airain : battre IdrA1 à Starcraft2, le 20 novembre, au National Championship des gamers professionnels et seule la tactique pour atteindre son objectif faisait phosphorer ses méninges. Qu’une fille au pseudo provocateur d’Ovocyte007 gagne le championnat serait une révolution dans le cercle machiste de la Major League Gaming. Elle en salivait d’avance… se sentait d’attaque, prête à faire péter les scores et empocher le prix de 50 000 dollars. En parallèle, Peter, John et Gary étaient des spécialistes de Call of Duty, et Gladys ne les avaient rejoints que pour leur permettre de concourir à quatre dans ce tournoi. Leur sélection, ils la devaient essentiellement à Gary, l’un des meilleurs fragueurs au monde. Gary, dont le surnom « Le scolopendre » lui allait comme un colt 45 au poing du capitaine Foley, avait le profil type du gagneur: vorace, carnassier, mordant et rapide, froid, sans pitié, profitant sans vergogne du moindre faux pas de l’adversaire.  

- Hou !!… vous me soûlez là… Je vous rappelle que les frais de déplacement sont pour notre pomme… alors, on prend la tire ou on casse nos tirelires ?  

Gary leva enfin les yeux de sa PS3 et balbutia un « oui » interrogateur… 

- Oui… quoi ? hurla Peter. 

-  Ben, j’suis d’accord pour passer niveau 10 en mode zombie, même si je n’aime pas cela…  

Un soupir de découragement cueillit sa phrase au vol.

-  John… t’as suivi, toi !… alors, qu’est-ce que tu décides ?

  -  Comme tu veux Peter, no problem… Hé les gars ! j’viens de trouver le moyen de planter des vignes dans Minecraft en moins de cinq secondes… trop cool !

  Gary applaudit et hucha d’extase…

- Normal, gloussa Gladys... c’est un jeu pour débiles de moins de cinq ans…

Peter regarda consterné ses trois potes replonger le nez dans leurs écrans.

- Vous êtes des pros ou des mômes de maternelle ? 

- Des pros et des putain de gamers ! » répondit en chœur le trio.


***


Lorsque le vol UA 4231 amorça sa phase d’approche du Theodore Francis Green State Airport de Providence, une hôtesse campait depuis plusieurs minutes devant la rangée 32 de l’appareil. Le sourire crispé, elle jetait des regards anxieux vers sa chef de cabine. Quatre olibrius, limite autistes, restaient sourds à ses recommandations et refusaient d’éteindre leurs consoles de jeux.

La chef de cabine, Dorothy, ancienne reine de beauté du middle West, désormais au régime nuggets et à l’élégance boudinée dans le nouvel uniforme de la compagnie, bringuebala ses bourrelets en direction de sa consœur.

Arrivée à sa hauteur, elle repoussa l’hôtesse et roucoula, d’une voix de baryton à l’attention du groupe de gamers :

- Madame, Messieurs, veuillez, s’il vous plait, éteindre vos consoles, nous atterrissons dans cinq minutes… 

Peter fut le seul à daigner lever la tête, tout ébaubi par la vision d’une matrone à l’incroyable chevelure couleur colza et aux pupilles bleu maquereau: une réincarnation en chair et en os, surtout en chair, pensa t-il un brin vachard, de Dorothy Provine, la plus que pulpeuse interprète de seconds rôles dans les fifties.

- Dorothy ? LA Dorothy d’« Un Monde fou, fou, fou, fou… » s’étonna faussement Peter.

Elle marqua un temps d’hésitation, puis arrondit ses lèvres « botoxées » en une moue boudeuse qui faillit faire craquer les commissures. Un mince filet de salive chargé d’un rouge à lèvres qui ne la rendait pas totalement « iconic », glissa le long d’une ride profonde aux trois-quarts comblée par une épaisse couche de fond de teint.

- Juste le prénom en commun, minauda-t-elle, en exerçant sur ses zygomatiques une tension extrême. Je suis quand même beaucoup plus jeune ! Allez, soyez assez aimable pour éteindre votre console, la placer sous le siège et demander à vos amis d’en faire autant, ajouta-t-elle en pointant du doigt le reste de la rangée où Gary, John et Gladys continuaient à pianoter comme de grands malades.

- Hé, le génie ! débranche, on va atterrir ! 

Un violent coup de coude dans les côtes de Gary renforça le contenu du message.

- Merde, t’es chiant ! tu me fais rater un super combo…

Dorothy, qui s’impatientait dans la travée, bascula son opulente poitrine sur le blaze d’un Gary toujours fumasse puis rabattit, d’un geste sec, le capot de la Playstation. Des éclairs jaillirent des yeux du joueur aussi destructeurs qu’une rafale de M16. Un « hitmarker » clignota dans son cerveau… Dorothy était morte... Les traits enfin détendus, Gary rangea sa console.

L’incident eut l’intérêt de ramener le reste de l’équipe à la réalité autant qu’à la raison et l’atterrissage s’effectua dans un calme olympien.

Après avoir récupéré leurs bagages, les quatre amis se dirigèrent vers le panneau Hertz pour louer une voiture. Accoudée au comptoir, une grande silhouette dégingandée leur tournait le dos exhibant une calvitie en forme de tonsure au sommet d’un crâne ovoïde.

- Ce ne serait pas par hasard ton pote IdrA1 ? glissa Peter dans l’oreille de Gladys.

- Ce crâne d’œuf ? Ouais, on dirait bien…

Le crâne d’œuf avait l’oreille fine. Il pivota sur place et décocha à sa rivale un sourire moqueur.

- Ovocyte007 ! Toujours entourée de ses fidèles gardes du corps… Alors, gamine, on vient m’admirer au MLG… Tu t’es quand même pas mis dans ta petite caboche que tu pouvais rivaliser avec moi sur ce coup-là… Si ?... bon, écoute, laisse tomber cette chimère… tu passeras même pas le premier niveau… Tu ne veux pas être la risée d’un circuit de pros, hein petite ? Allez… sois mignonne… retourne dans ton bled et laisse les mecs faire leur boulot… ce sera, pour toi comme pour nous, un grand bol d’air, une vraie libération…Les meufs n’ont rien à foutre chez les « hardcore gamers ».

Gladys serra les poings à s’en faire blanchir les phalanges mais ne dit rien lorsqu’il la frôla d’un peu trop près pour rejoindre le parking.

- Je prends une Chevy Spark… ça te va Gladys ? lui demanda Peter sur un ton apaisant.

- Tu loues un cabriolet Camaro, Peter… un putain de cabriolet Camaro, Peter ! T’inquiète… je vais le laminer ce mec… je sens déjà l’odeur des billets verts… Il va aller griller direct en enfer le crâne d’œuf… « headshot » pour ce « bloody bastard… »

Elle pointa l’index à l’horizontale et tira en direction de son adversaire une balle imaginaire…

 

(à suivre...)
 

 

 

 


 


 

©Alaligne, tous droits réservés


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commentaires

F
<br />  <br /> <br /> <br /> Un univers bien perçu des mordus de la console, ensemble d'olibrius hors du temps présent mais qui remplissent par trop l'espace de nos vies par l'absence qu'ils manifestent face aux impératifs<br /> du quotidien dont aucun ne semble faire partie de leur priorités.<br /> <br /> <br /> Virtuellement présent, moralement absent les absorbés du jeu recevraient-ils comme les Cathares le consol-à-memtum ?…<br /> <br /> <br /> Mais bien sûr, ici, Catherine tu as parfaitement décrit la situation de ces aficionados du jeu en ligne, son panel de pseudos, de héros éphémères et de deals à répétition…<br /> <br /> <br /> Faut-il en rire ou en pleurer ? … Déjà comprendre pourquoi toujours plus de personnes jeunes et moins jeunes, adolescents, adulescents, fuient la réalité pour en intégrer une autre forme,<br /> hors nos dimensions, hors nos contingences...<br /> <br /> <br /> Winner ou looser … that is the question ?... L'éternel re-play !...<br /> <br /> <br /> Au fait, charmante la Dorothy, cette hôtesse qui sait faire « écran » tout en seins bols, en l’occurrence, bol d'air ... une jolie façon de décoller et puis d’atterrir dans le décolleté<br /> et qui vous rabat fermement le capot ... <br /> <br /> <br /> Farfagame au vert ... <br />
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