Patricia Highsmith
Patricia Highsmith (19 Janvier 1921 - 4 Février 1995) est un auteur américain connu pour ses thrillers psychologiques, qui ont été adaptés plus d'une douzaine de fois au cinéma. A titre d'exemple, Strangers on a Train, « L'inconnu du Nord-Express », est à l'origine de trois films dont le plus connu est celui d'Alfred Hitchcock en 1951. En plus de sa célèbre série sur le meurtrier Tom Ripley, elle a écrit de nombreuses histoires courtes, souvent macabres, satiriques ou teintées d'humour noir. Highsmith a su s'imposer comme un grand auteur, récompensé par deux Edgar Allan Poe Awards pour L'Inconnu du Nord-Express et Mr Ripley, qui reçoit également le Grand prix de littérature policière. Elle est nommée Chevalier des Arts et Lettres en 1990. La biographie que lui consacre François Rivière porte en titre sa vision de la vie : Un long et merveilleux suicide.
Essayons de la connaître un peu mieux :
Patricia Highsmith, de son vrai nom Mary Patricia Plangman est née dans les faubourgs de Fort Worth, Texas. Mary Highsmith, sa mère, divorce de son père cinq mois avant sa naissance. Elle est élevée en premier par sa grand-mère maternelle dans la ville de New York (une époque qu'elle décrira plus tard comme son «petit enfer»), puis par sa mère et son beau-père, qui étaient tous les deux des créateurs publicitaires. La jeune Patricia entretient des relations intenses et compliquées avec sa mère et son beau-père, homme que bien des années plus tard elle essayera de gagner à sa cause dans les multiples confrontations qui l'opposaient à sa mère. Selon Patricia Highsmith, sa mère lui aurait avoué qu'elle avait tenté de se faire avorter en buvant de l'essence de térébenthine. Il semble qu'elle n'ait jamais résolu tout au long de sa vie cette relation amour-haine qu'elle a romancée dans sa nouvelle Le Terrapin, où un jeune garçon poignarde sa mère à mort.
Sa grand-mère lui enseigne à lire à un âge précoce. Dès lors, elle se plonge avec délice dans l'immense bibliothèque de ses parents. À l'âge de huit ans, elle découvre le livre de Karl Menninger, L'esprit humain, et est fascinée par les études de cas de patients atteints de troubles mentaux comme la pyromanie et la schizophrénie. En 1942 elle sort diplômée du Barnard College, où elle a étudié la composition de texte en anglais, la dramaturgie et de la nouvelle. En dépit de grandes aptitudes en peinture et en sculpture, elle choisit l'écriture comme moyen d'expression. Elle arrête ses études à 21 ans et travaille d'abord dans la publicité, comme ses parents, puis devient scénariste de bandes dessinées. Sa première nouvelle, L'Héroïne, est publiée en 1944 dans la très élégante Harper's Review, à mi-chemin de Vogue et de Paris-Match.
Vivant à New York et au Mexique entre 1942 et 1948, elle écrit pour les éditeurs de bande dessinée, au rythme de deux histoires par jour pour la somme de 55 $ la semaine. Pour les éditions Nedor comics, elle écrit les histoires du sergent Bill King et participe à Black Terror. Pour « Real Fact, Real Heroes et True Comics », bande dessinée de l'époque, elle brosse les portraits d'Einstein, Galilée, Barney Ross, Edward Rickenbacker, Oliver Cromwell, Sir Isaac Newton, David Livingstone et bien d'autres. De 1943à 1945, elle travaille pour Fawcett Publications, et livre les scripts de personnages comme le Golden Arrow, Spy Smasher, Captain Midnight, Crisco et Jasper. Quand en 1955 elle rédige The Talented Mr. Ripley, l'un des personnages, Frederick Reddington, victime d'une escroquerie, est un artiste créateur de bande dessinée, ce qu'elle considère comme un pied de nez à l'ancienne carrière qu'elle vient d'abandonner.
Suite à une suggestion de Truman Capote, elle réécrit son premier roman, Strangers on a Train, « L'inconnu du Nord-Express » dans le cercle très fermé du Yaddo writer's colony à Saratoga Springs.
le Yaddo writer's colony
Le succès du livre est d'abord modeste lors de sa sortie en 1950, mais lorsque Hitchcock (ayant caché son identité pour ne payer les droits d'adaptation qu'une somme dérisoire) l'adapte au cinéma en 1951, la carrière et la réputation de Patricia Highsmith sont littéralement catapultés en avant. Bientôt, elle devient connue et reconnue comme un écrivain aux romans dérangeants, pleins de mystères psychologiques, à l'humour grinçant, le tout servi par une prose étonnante. Elle développe dans la plus grande partie de son œuvre le fantasme selon lequel ceux qui nous entourent ont sous une façade de comportement parfaitement normal des problèmes psychologiques et des tendances meurtrières. Ne disait-elle pas elle-même : "N'importe qui peut assassiner. C'est une question de circonstances, cela n'a rien à voir avec le tempérament!. Quiconque. Même votre grand-mère ".
Elle aborde également le thème de l'homosexualité dans de nombreuses nouvelles et plus franchement dans The Price of salt ainsi que dans A summer idyll qui sera publié après sa disparition. Mais on retiendra surtout Carol, publié en 1953 sous le pseudonyme de Claire Morgan et qui tirera à environ un million d'exemplaires, première histoire homosexuelle se terminant bien et flagrant plaidoyer en faveur des lesbiennes.
Les anti-héros de ses livres sont soit compromis moralement par le jeu des circonstances, soit délibérément
asociaux. Ce sont souvent de jeunes hommes émotionnellement instables, tuant sous le coup de la passion, ou plus simplement meurtriers afin de se sortir d'un mauvais pas, toujours aussi
prompts à échapper à la justice qu'à se soumettre à la loi. La lecture des œuvres de Kafka, d'Henry James et de Dostoïevski joue un rôle significatif dans ses
ouvrages.
Le personnage récurrent de Tom Ripley, dandy bisexuel, amateur d'art et faussaire, criminel cynique mais attirant, est présent dans cinq de ses romans parus de 1955 à 1991. René Clément en 1956 dans Plein Soleil, offrira à Alain Delon l'occasion d'interpréter le personnage, repris en 1995 dans un film d'Anthony Minghella par Matt Damon. En 1977, c'est Wim Wenders qui adaptera Ripley's Game dans le film « L'ami américain ». Enfin en 2002, sous son titre original, Liliana Cavani le fera également en donnant à John Malkovich le rôle principal.
Quelques films tirés des oeuvres de Patricia Highsmith
La vie privée de Patricia Highsmith ressemble peu ou prou à celle de ses personnages (meurtre mis à part). Alcoolique, ne supportant guère une relation plus de quelques petites années, elle fut traitée par certains de ses proches de misanthrope et de femme cruelle. A la compagnie des humains, elle préfère de loin, celle des animaux, en particulier des chats. Ce qui la conduit à proférer ce genre de phrase : "Mon imagination fonctionne beaucoup mieux lorsque je n'ai pas à parler aux gens."
L'un de ses « amis », Otto Penzler aura cette phrase assassine : "Je n'ai jamais compris comment un être humain pouvait être aussi méchant. C'était une femme dure, cruelle, que l'on ne peut aimer et qui n'aime personne". D'autres amis et connaissances ont été moins caustiques dans leurs critiques, comme Gary Fisketjon, qui publiera certains de ses romans : « Elle a été dure, très difficile ... mais elle avait son franc-parler, était « sèchement drôle », et l'on prenait beaucoup de plaisir en sa compagnie. "
Elle ne s'est jamais mariée mais a multiplié les aventures avec les deux sexes. En 1949, elle vit quelques temps avec l'écrivain Marc Brandel, puis de 1959 à 1961 partage son existence avec Marijane Meaker qui racontera leur relation dans le livre A Romance of the 1950s.
Accusée d'antisémitisme après son franc soutien à la libération de la Palestine, cela ne l'a guère empêché d'avoir des amis juifs comme Arthur Koestler et d'admirer l'œuvre de Kafka et de Samuel Bellow. On l'accusa également de misogynie après la sortie de son recueil satirique de nouvelles, Little Tales of Misogynie. Fervente adepte des idéaux démocratique de son pays, elle reste critique face à la réalité de l'histoire des Etats-Unis du 20ième siècle et de sa politique étrangère en particulier. En 1963, elle quitte l'Amérique et s'installe en Europe où elle restera jusqu'à la fin de sa vie. Elle se pose un temps en Cornouailles, puis en France dans les années 1970. L'écrivain - admirée par Graham Greene - se retire alors en Suisse dans une maison isolée proche de Locarno, dans le canton du Tessin au climat méditerranéen. Elle poursuit son œuvre, vivant toujours seule car elle ne supporte pas la moindre présence humaine quand elle écrit, fouille toujours plus profond les tourments de l'âme de ses êtres de fiction apparemment ordinaires, mais plus sûrement effroyables. Cette exploration l'intéresse bien plus que les intrigues criminelles. "Je n'ai aucun goût pour les romans de détection", rappelait celle qui jamais ne lut Conan Doyle ou Agatha Christie.
Patricia Highsmith s'éteint le 4 février 1995, à 74 ans, victime d'une leucémie.
Son écriture :
Démesure et contradiction?
En découvrant cette courte dédicace, j'ai eu le même choc que pour celle de James Ellroy.
Les auteurs "noirs" américains auraient-ils un goût particulier pour les feutres noirs épais et baveux?
Si Ellroy "équilibrait" son graphisme par l'emploi systématique des capitales d'imprimerie, Patricia Highsmith n'y recourt qu'en tout début de dédicace pour reprendre ensuite sa graphie habituelle, d'où le constat génant d'une inéquation entre la largeur du trait et la taille des lettres. Le prénom devient difficile à lire ainsi que le nom qui s'écrase en zone médiane après le "H" monumental.
En tout cas une écriture très différente de celle que j'ai trouvé dans le fonds des archives littéraires suisses:
Sur ce cahier on est frappé par la fluidité de l'écriture, sa tendance au filiforme, la conduite du tracé souple à molle, la non-tenue de ligne sur justement du papier ligné et le non respect de la marge. Ecriture flottante, très en prise avec le "feeling", la quasi absence de contraintes, l'aspect général "bateau ivre".
Seule la liaison assez soutenue des lettres entre elles et le blanc inégal entre les mots assument la cohérence des mots et donc leur entité.
La dédicace de facture "écriture d'apparât" veut impressionner celui à qui elle est destinée. Patricia Highsmith y force le ton et sa nature. Elle s'y montre plus ferme et décidée que sur le manuscrit. Encore fallait-il que la signature soit à l'égal du reste... C'est là que l'écrasement de la zone médiane nous renvoie à l'écriture du manuscrit.
Alors, me direz-vous! misanthrope, cruelle, méchante?
La dominante d'oralité qui saute aux yeux sur le manuscrit montre une pleine
capacité à vivre selon son bon plaisir sans se soucier un seul instant de ses partenaires, de ce qu'ils pensent ou ressentent... De là à conclure à de la préméditation dans ses actes, il n'en
est nullement question.
Echapper à leur emprise, échapper aux us et coutumes, enfreindre la règle, vivre
selon ses penchants quoiqu'il en coûte, naviguer en eaux profondes... alors là oui sans aucun doute...
Et pour ceux et celles qui comprennent l'anglais voici une interview où elle
s'exprime sur la nature sexuelle de Ripley!