Henri Troyat
Romancier, historien et biographe français d'origine russe, Henri Troyat de son vrai nom Lev Aslanovitch Tarassov (ou Levon Aslan Torossian en arménien) est né le 1er novembre 1911 à Moscou.
Ses parents sont de riches commerçants d'origine arménienne installés dans la Russie tsariste.
La Révolution d'Octobre les contraint à tout abandonner. Après un long périple, ils s'installent à Paris, en 1920. Le petit Lev a alors 9 ans. Grâce aux leçons de français - reçues du temps de l'opulence auprès d'une gouvernante suisse - le jeune Tarassov entre au lycée Pasteur de Neuilly et passe ensuite une Licence en Droit à l'Université de Paris. En 1935, après avoir été naturalisé français, il intègre des emplois administratifs, devient rédacteur à la Préfecture de Seine, mais, parallèlement à sa profession officielle, il se consacre à l'écriture.
Le succès le guette très tôt.
A l'âge de 24 ans il reçoit le prix du jury populiste 1935 pour son premier roman Faux Jour. Sa connaissance et son amour de la littérature française, de Flaubert et de Zola en particulier, transparaissent dans ses premiers écrits ainsi que la nostalgie d'une Russie que les récits de ses parents et ses souvenirs d'enfance ne cesseront toute sa vie d'alimenter.
En 1938, âgé de 27 ans, son cinquième roman, l'Araigne, est couronné par le prix Goncourt.
Dès lors, au rythme d'environ un livre par an, Henri Troyat devenu un écrivain populaire entraîne ses lecteurs non seulement dans de grands cycles romanesques comme Que la terre durera (3 tomes, 1947-1950), Les semailles et les moissons (5 tomes, 1953-1958), La lumière des justes (5 tomes, 1959-1963), Les Eygletière (3 tomes, 1965-1967), Les héritiers de l'avenir (1968-1970) ou encore Le Moscovite (3 tomes, 1974 à 1975), mais également dans de magistrales biographies de personnalités russes telles que Dostoïevski, Pouchkine, Tolstoï, Gogol, Catherine la Grande, Alexandre 1er, Ivan le Terrible et enfin Tchekhov, Tourgueniev, Gorki, Marina Tsvetaeva, Boris Pasternak et celles d'auteurs français comme Guy de Maupassant, Emile Zola, Gustave Flaubert, Paul Verlaine, Charles Baudelaire, Honoré de Balzac, Alexandre Dumas, etc.
Au total, il est l'auteur d'une centaine d'œuvres - une soixantaine de romans, une trentaine de biographies, deux pièces de théâtre ainsi que des essais et autres récits de voyage. Certaines de ses œuvres furent adaptées au cinéma.
Élu membre de l'Académie française en mai 1959, Grand-Croix de la Légion d'honneur, Commandeur de l'ordre national du Mérite et Commandeur des Arts et des Lettres, son œuvre prolifique s'achève en 2006 par son dernier roman La traque.
Celui qui avait l'habitude d'écrire debout devant son pupitre, chose qu'il abandonna sur le tard, s'éteint à Paris dans la nuit du 2 au 3 mars 2007, à l'âge de 95 ans.
Dans une interview donnée à un journaliste du Loiret.com (il habitait alors la commune de Bromeilles) à la question : Ecrire, c'est aussi une solitude. Cela ne vous pèse pas ? Henri Troyat répondait :
« C'est une solitude que j'aime, de plus en plus, parce que dans ma vie, hélas, je suis maintenant solitaire. L'écriture me permet de penser à autre chose qu'à mes soucis personnels. Je m'évade. Au fond, il y a dans tout écrivain et surtout dans tout romancier l'enfant qui ressort, l'enfant qui a besoin de se raconter des histoires et d'en raconter aux autres. Je pense que pour être écrivain, il faut avoir une énorme somme de naïveté car il est nécessaire de croire à ses personnages. Il faut être un peu dévissé pour ça. »
Son écriture :
Ambivalent? Vous avez dit ambivalent?
L'écriture d'Henri Troyat est à ce titre assez exemplaire: Le mouvement cabré avec
des lettres souvent (mais pas toujours) inclinées à gauche coexiste (mais pas toujours) avec un étalement des mots sur l'horizontale. La courbe et la guirlande massivement présentes coexistent
avec de brusques raidissements dans la liaison (regarder attentivement le mot "regard"). Les finales courtes, parfois à peine esquissées, coexistent avec de très longues, fines et acérées (
comparer la fin de "pour" et la fin de "par"). Les appuis de pression sont souvent distribués "au petit bonheur la chance".
La signature elle-même reproduit avec intensité ce "dialogue" (?) qui anime l'écriture. Pour coexister, c'est presque un modèle du genre...
Cher Monsieur Troyat, votre écriture me laisse à penser que vous deviez être une personne, pour ceux et celles qui ont "traversé" votre vie, fort déconcertante. Devait-on se fier à votre sens de la communication, votre goût des rencontres et des échanges lorsque l'on constate qu'il n'y a pas plus secret que vous sur tout ce qui vous touche de près? Devait-on partager vos emballements, vos élans de coeur lorsque l'on sait à quel point vous aviez des difficultés à ne pas tout centrer sur vous-même?
Devait-on se fier à l'apparente sérénité que votre visage arborait au-dessus de la table tandis que votre jambe sous la nappe tambourinait le plancher? Comment devait-on prendre ces compliments et ces encouragements, lorsque vous étiez en train de concocter une réplique bien sentie et cinglante? Comment anticiper la réaction qu'une phrase même anodine pouvait déclencher?
Ce qui est sûr et qu'ont dû constater ceux qui vous ont côtoyé au quotidien, c'est que votre détermination à suivre les objectifs que vous vous fixiez était inébranlable et que les "hésitations" que parfois (disons plutôt rarement) vous exprimiez ou ressentiez n'étaient que les frémissements d'une pensée toujours en éveil et non la marque d'un doute profond.
Cérébral et jouisseur à la fois, déroutant dans de nombreux comportements, votre
écriture ne donne-t-elle pas à voir toute l'ambiguïté d'une hypothétique "âme slave" qui se nourrirait du rire et des larmes en de fulgurants instants, jouerait du romantisme et du
rationnel pour mieux garder secrets ses sentiments?