Née à Paris en 1876, Anna appartient aux familles de boyards Bibescu et Craiovesti de Roumanie. Elle est la
fille du prince Grigore Bibescu-Basarab, fils du prince valaque Gheorghe Bibescu et de la princesse Zoe Brâncoveanu. Sa mère est la célèbre pianiste grecque Raluca (Rachel) Moussouros, à qui le
compositeur Ignacy Paderewski dédia nombre des ses compositions. Sa tante, la princesse Elena Bibescu, a joué un rôle actif dans la vie artistique parisienne à la fin du XIXe siècle jusqu'à sa
mort en 1902.
Anna de Noailles écrit trois romans, une autobiographie et un grand nombre de poèmes. Son lyrisme passionné
s'exalte dans une œuvre qui développe, d'une manière très personnelle, les grands thèmes de l'amour, de la nature et de la mort. Au début du XXe siècle, son salon de l'avenue Hoche attire l'élite
intellectuelle, littéraire et artistique de l'époque parmi lesquels Francis Jammes, Paul Claudel, Colette, André Gide, Frédéric Mistral, Robert de Montesquiou, Paul Valéry, Jean Cocteau, Alphonse
Daudet, Pierre Loti, Paul Hervieu ou encore Max Jacob.
En 1904, avec d'autres femmes telles que Mme Alphonse Daudet et Judith Gautier (la fille de Théophile Gautier),
Anna de Noailles créa le prix "Vie Heureuse", issu de la revue du même nom, qui deviendra plus tard le prix Fémina, récompensant la meilleure œuvre française écrite en prose ou en
poésie.
Anna de Noailles est si connue en son temps que plusieurs artistes de renom de l'époque firent son portrait
comme Antonio de la Gandara, Kees van Dongen, Jacques-Émile Blanche ou le peintre britannique Philip Alexius de Laszlo. En 1906, elle est le modèle d'un buste en marbre pour Auguste Rodin, qui
est aujourd'hui exposé au Metropolitan Museum à New York (le modèle en terre glaise est exposé au Musée Rodin à Paris).
Elle est la première femme devenue commandeur de la Légion d'honneur, et l'Académie française nomma un prix en son honneur.
Elle meurt en 1933 et est inhumée au cimetière du Père-Lachaise à Paris mais son coeur repose dans le cimetière d'Amphion-les-Bains.
Son écriture:
Et l'un de ses poèmes:
Voix de l'ombre
Mes livres, je les fis pour vous, ô jeunes hommes
Et j'ai laissé dedans,
Comme le font les enfants qui mordent dans des pommes,
La marque de mes dents.
J'ai laissé mes deux mains sur la page étalées,
Et la tête en avant
J'ai pleuré, comme fait au milieu de l'allée
Un orage crevant.
Je vous laisse, dans l'ombre amère de ce livre,
Mon regard et mon front,
Et mon âme toujours ardente et toujours ivre
Où vos mains traîneront.
Je vous laisse le clair soleil de mon visage,
Ses millions de rais,
Et mon coeur faible et doux, qui eut tant de courage
Pour ce qu'il désirait...
Je vous laisse ce coeur, et toute son histoire,
Et sa douceur de lin,
Et l'aube de ma joue, et la nuit bleue et noire
Dont mes cheveux sont pleins.
Voyez comme vers vous, en robe misérable,
Mon destin est venu.
Les plus humbles errants, sur les plus tristes sables,
N'ont pas les pieds si nus.
Et je vous laisse, avec son treillage et ses roses,
L'étroit jardin verni
Dont je parlais toujours, - et mon chagrin sans cause
Qui n'est jamais fini...