Puisque vous avez été nombreux à apprécier
l'univers de Bruno BOZZETTO,
Voici l' animation FLASH
qui a le plus circulé sur Internet
et contribué à le faire connaître
dans le monde entier
Amusez-vous bien....
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Blog-notes*
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V
Du technique, bon sang du technique me murmurai-je en tapant sous Word les dernières lignes de mon rapport. Alors là, si ce n'est pas du technique !
Ayant scanné la forme de certaines lettres caractéristiques de l'écriture de Morgane, puis ayant agrandi cinq fois chaque échantillon, j'avais effectué un montage mettant en évidence les évidentes similitudes de forme, de liaison, de continuité, de proportions, d'appui, de gestion de l'espace et tous les autres critères de la comparaison d'écritures. J'avais commenté, fléché, inscrit en gras, souligné, opté pour le rouge pour les comparaisons et les explications techniques. Ce n'était plus un rapport d'authentification mais carrément les plans ultra secrets du dernier Airbus A380.
Plutôt satisfaite du résultat, je m'apprêtai à envoyer mes méga-octets sur la messagerie de Guedj, lorsque mon portable émis le son discret de la cinquième symphonie de Beethoven.
- Allô! Prononçai-je d'un ton sec, totalement exaspérée d'être dérangée juste à l'instant où je devais transmettre à Guedj mon travail.
Un sifflement réprobateur se fit l'écho de cette entrée en matière assez rustique pour ne pas dire franchement rustaude.
- Dis donc... Si je n'avais pas appelé sur ton portable, j'aurais pu penser m'être trompé de numéro et composé celui de mon inspectrice du travail. Madame est de mauvaise humeur peut-être ?
- Ah ! C'est toi Bruno ? Désolée mon vieux, je te présente mes plus humbles excuses. J'étais en train de terminer un rapport et franchement je ne pensais pas à toi. Tu me pardonnes ?
- Comment ne pas pardonner à la nouvelle égérie de la littérature de gare ? S'exclama ce monstrueux ami
- Bruno, tes vannes je les connais sur le bout des doigts, alors si tu me disais le pourquoi de ton coup de téléphone.
- Attends, attends, je n'étais pas, enfin presque pas caustique ! Ton roman a fait le tour des cabinets de recrutement, enfin du moins ceux qui étaient inscrits dans mon carnet d'adresse. N'oublie pas que sans moi, ton immense talent d'écrivain serait resté inconnu du grand public.
- Heu! ... Bruno, je n'oublie rien. Ce serait d'ailleurs difficile car en quelques jours tu es la troisième personne à me reparler de l'affaire et de mon roman. Je sature un peu et aimerait sincèrement changer de sujet si tu vois ce que je veux dire.
- Ingrate que tu es ! Voilà bien les femmes... Enfin, je ne suis, je le sais, que le triste psy qui faillit perdre son gagne pain pour sauver la réputation d'une vieille graphologue en pleine crise de ménopause...
- Bruno ?
- Oui ma belle ?
- Tu me dis enfin la raison de ton appel ?
- Eh bien, comme si souvent, non rebuté par tes refus réitérés, je voulais te proposer un rendez-vous chez Job Performance. Je connais le Directeur adjoint et dans une conversation récente j'ai appris que leur graphologue était partie à la retraite et qu'ils souhaitaient la remplacer. J'ai sauté sur l'occasion et je lui ai parlé de toi. Il a l'air intéressé. Et tu ne sais pas le plus cocasse de l'histoire ?
- Non, mais je suppose que tu vas me le dire...
- Il ne m'a pas parlé de ton penchant pour les malfrats.
- Tu veux dire Bruno qu'il n'a pas eu connaissance de l'affaire ?
- Apparemment pas, j'ai cité ton nom et il n'a pas bronché, bien au contraire, il m'a donné le feu vert pour que tu le contactes au plus tôt. Alors heureuse ?
- Leur cabinet est bien dans le 9ème ?
- Tout juste, place Saint Georges, quartier sympa, des théâtres tout autour et Pigalle pas très loin. Comme cela entre deux graphos tu pourras aller t'acheter des dessous sympas pour réveiller la libido de ton époux.
- Merci d'y avoir pensé Bruno, répondis-je
- A quoi ? Au boulot ou à des dessous sexys ?
- Aux deux, triple buse !
*BLOG-NOTES est un manuscrit déposé, ayant reçu un numéro d'ISBN mais non encore corrigé et édité. Les amis bloggeurs qui auront le courage et la ténacité de lire ce petit suspense jusqu'au bout seront nommément cités sur le livre en dédicace.
Je viens de recevoir un mail de mon amie Françoise Donaire (voir Mimo le Fantôme dans ma rubrique Romans)
Une de ses nouvelles vient d'être primée...comme vous pouvez le constater en cliquant sur ce lien:
Avec son autorisation, je vous laisse découvrir
le début de: "Les duellistes"
La suite très bientôt
Les duellistes
Ils sortaient juste d'un dîner chez une amie. Plutôt une amie à elle. Mais il avait ceci de bon qu'il savait bien s'installer chez les gens, le temps d'une soirée ou d'une semaine de vacances. Il s'asseyait, s'épanouissait, se faisait doux. Il y en avait qui le croyaient facile, un tempérament facile. Quand elle entendait ça, elle implosait discrètement.
Ils sortaient juste et dès le porche, parce qu'elle s'était abstenue pendant trois heures, elle s'en alluma une. Première erreur. Il détestait ça. L'odeur, le geste, l'empressement, il détestait. Il l'avait supporté, ou plus exactement il avait fait avec, mais depuis quelque temps, depuis qu'il était devenu assez sévère avec lui-même, il n'y arrivait plus. Disons plutôt qu'il ne faisait plus l'effort. La boîte à efforts était vide.
Quand elle releva la tête de dessus son briquet, il était déjà parti à grandes enjambées, droit devant. Elle connaissait ça par c?ur, il était coutumier du fait. Il ne savait pas crier, ou protester, ou dire. Il faisait ça avec son corps. Un grand coup de pied dans le mur, par exemple. Ou bien ça : s'en aller d'un coup, très vite et tout droit, en renversant tout sur son passage. Un genre de Caterpillar, avec moteur gonflé.
Elle se propulsa à sa suite, s'obligeant à planter ses talons très loin en avant pour faire des pas d'homme. Elle avait ses bottes noires, avec des talons bottines. Elle marchait si brutalement qu'elle les sentait rentrer dans sa chair, elle aurait pu en dessiner très précisément l'impact. Elle imaginait l'écrasement, la meurtrissure de l'épiderme, celle des collants 15 deniers qui ne s'en remettraient pas. Lui, il était très loin devant maintenant, à plusieurs dizaines de mètres. Elle le distinguait en silhouette floutée car elle n'avait pas pris ses lunettes. Deuxième erreur.
Elle déboucha sur l'avenue du Général Leclerc juste au moment où le cinéma régurgitait son public du samedi soir. Elle dut s'immiscer entre les corps jusqu'au carrefour, jeter au milieu des jambes sa cigarette à peine entamée. Elle ne le distinguait plus que très mal, de temps à autre. Il traversait l'avenue, toujours lancé, toujours sûr et net dans son mouvement.
Elle descendit du trottoir en se tordant la cheville, en s'inclinant soudain vers le bras d'un type qui avait du réflexe. Elle s'excusa, se détacha pour traverser à son tour. Le type s'agrippa plus fort à sa manche : attention, voyons. Les voitures démarraient, avec l'appétit féroce qu'elles ont quand le feu passe au vert. D'un jeté de l'épaule, elle récupéra sa manche. Troisième erreur, le type était plutôt bien.
Pendant que le flot s'écoulait, elle s'obligea à regarder des choses, en détail. Camionnette blanche portant bannière Rentokill, motarde avec cheveux carotte s'envolant du casque, livreur de pizza rouge lâchant son engin pour s'engouffrer dans une porte, cinq cartons chauds sur le plat d'une main, cinq. Une dame aussi, qui toussait dans son dos, non, c'était un homme. Une fille qui criait c'est vrai ? et qui restait comme ça, la bouche élargie sur le ai, élargie tellement qu'on voyait ses gencives, très rouges, presque bordeaux. Des détails. Elle se dit qu'elle ne savait pas où il avait garé la voiture. Qu'il n'avait pas pensé à le lui dire. Ou qu'il s'en foutait. Qu'elle rentrerait en métro. Ou qu'elle ne rentrerait pas. Elle passait en revue ceux qui pourraient l'héberger. Il n'y en avait pas tant. Trois, en fait. Ils étaient peut-être sortis. Probablement, même, puisqu'on était samedi. Elle s'occupait la tête, en attendant le rouge, en écrasant ses talons bottines dans un piétinement minuscule.
Enfin, elle put traverser. Elle espérait encore un peu qu'il la surveillait de l'autre bord du carrefour, ou même d'un peu plus loin. Encore une erreur. Elle se retrouva de l'autre coté toute seule, un peu raclée par les coudes et les épaules de ceux qui voulaient passer. Elle gênait. Elle ferma à demi les yeux dans l'illusion qu'elle y gagnerait quelques dixièmes de vue mais elle ne le vit pas, ni loin à gauche ni loin à droite, ni lui ni personne qui lui ressemble, même pas un doute à se mettre sous la dent.
Elle tourna un peu sur elle-même comme une idiote. Il lui fallait choisir une direction. Elle en appela au hasard, qui choisit la gauche. Elle obéit. Elle marchait encore assez ferme, elle voyait vaguement des hommes qui la toisaient, elle essayait de faire taire l'envie de pleurer qui montait. Elle se dit exprès qu'elle allait bientôt s'en allumer une autre, même si elle savait qu'elle n'en avait pas envie, c'était juste comme ça, par protestation. Elle commençait à marcher mou, avec des courbes encore subtiles. L'envie de pleurer venait de passer la base de la trachée.
Un homme la regarda d'un oeil très vif, insistant, fronçant les sourcils, avec une telle attention qu'elle en fut étonnée, sincèrement. En le dépassant, elle tourna même un peu la tête vers lui. Eux. Cette manie qu'ils ont, de toujours chercher, fouiner, fureter, s'éparpiller, suivre toutes les pistes, n'importe lesquelles, des fois que. Mais ce n'est pas chercher, ça. Ou bien c'est juste un truc de chercheur d'or, s'en remettre à la chance, sous la coupe du hasard, être prêt à tout. On peut y perdre des années. Elle a eu un grand-oncle comme ça, qui voulait faire fortune. Il a macéré toute sa vie au fin fond du Vénézuela, on ne l'a jamais revu. Il ne donnait des nouvelles qu'à Noël, pour demander des mandats. Trois s?urs, trois mandats. Prêt à tout, tu parles. Bon à rien. Chercher, d'abord, c'est choisir. Sinon comment savoir ce qu'on cherche? Et toi s'engueula-t-elle, tu crois que tu as l'air de savoir.
C'était un samedi soir, les gens avaient besoin de leur dose de plaisir. En passant devant les brasseries, elles les voyaient bâfrer, s'en mettre pleine la lampe sous la lumière dorée, calculée tout exprès pour donner bonne mine et encourager l'appétit. Elle n'aurait pas su dire de quoi elle avait envie. D'ailleurs elle hésitait toujours avant de commander, parfois c'était interminable, ça le mettait en fureur. Ensuite, il était bien capable de le lui faire payer en ne décrochant plus un mot de toute la soirée. Dîner face à un mur de glace, elle ne connaissait rien de plus lourd. Là tu exagères, se dit-elle, ça n'est pas arrivé depuis au moins deux ans. Non, c'était plus grave : elle n'aurait pas su dire de quoi elle avait envie " en général ". La vérité c'est qu'elle s'était perdue de vue. Mais qu'est-ce que tu cherches ? pensa-t-elle si fort que ses lèvres formèrent les mots.
Il y avait un chien qui la dévisageait. Attaché serré à un poteau, il se tenait raide comme la justice, assis sur une très petite surface de trottoir. C'était un chien brun roux, aux traits bien dessinés, comme quelqu'un qui aurait beaucoup vécu, beaucoup bourlingué. Il la dévisageait. Elle traversa pour le rejoindre.
" Eh bien, énonça-t-elle, eh bien ? "
Il gémit un peu et inclina la tête.
- Tu attends qui ? dit-elle en se penchant.
Ses oreilles à lui se couchèrent, anticipant une caresse. Mais elle n'approcha pas la main.
- On t'a abandonné ?
Le chien ouvrit la gueule et sortit une langue démesurée, rose jambon. Elle recula.
- Ils t'ont laissé là pendant qu'ils allaient bouffer, c'est ça ?
Entre ses halètements, le chien eut un petit bruit éruptif.
- Oui, c'est ça, mon pauvre.
Il avait des yeux si brillants et brûlants qu'elle sentit les siens picoter.
- N'espère rien, lui dit-elle en serrant les mâchoires.
Pendant qu'elle s'éloignait, le chien aboya après elle. Elle se garda bien de se retourner, lui répéta seulement n'espère rien. Elle se disait tout de même qu'elle avait de la chance, qu'elle aurait pu en plus être attachée à un poteau, attachée serré, obligée de n'occuper qu'une toute petite portion de trottoir. Encore que, c'était malgré tout une place.
Jean d'ORMESSON
Jean d'Ormesson, surnommé par certains proches et journalistes Jean d'O est né à Paris, le 16 juin 1925, d'une famille de conseillers d'État, de contrôleurs généraux des finances, d'ambassadeurs de France et de parlementaires, parmi lesquels un chancelier de France et un député à la Convention nationale. Elève brillant, il accumule très vite les diplômes : agrégé et diplômé d'études supérieures de philosophie, normalien... Cet érudit ne s'arrêtera pas là. Jean Lefèvre, comte d'Ormesson, embrasse une carrière de haut fonctionnaire devenant président du conseil international de la philosophie et des sciences humaines à l'Unesco. Il s'essaie également à l'écriture : 'L'Amour est un plaisir', son premier roman, publié en 1956 chez Julliard, mais celui-ci n'aura que peu de succès. Il a alors 30 ans.
C'est en 1971 que débute réellement sa carrière littéraire, avec la parution de 'La Gloire de l'Empire', Grand Prix du roman de l'Académie française.
Haut fonctionnaire, journaliste, Jean d'Ormesson dirige Le Figaro entre 1974 et 1977. Moderne académicien, il propose la candidature de Marguerite Yourcenar, première femme à entrer à l'Académie Française.
Graphologiquement cette écriture illustre parfaitement deux phrases de Jean d'Ormesson que je ne résiste pas au plaisir de vous citer:
"Une certaine légèreté demande plus d'efforts que la pesanteur, les leçons de morale, la gravité, l'ennui qui s'en dégage. Mais elle est liée aussi à une certaine grâce, au charme, au plaisir. "
"Les honneurs, je les méprise, mais je ne déteste pas forcément ce que je méprise"
Cette écriture dansante, légère, au trait pâteux, un brin à l'étroit dans le format de la page du livre qu'il dédicace, virevolte avec le mots, avec les lettres, avec le noir et le blanc.
La grâce du tracé, les lettres parfois à peine esquissées, la simplification des formes (le "p" en particulier) ne poussent pas l'écriture au laisser-aller. Des angles bien présents, viennent en effet raidir parfois le graphisme, donner du tonus, de l'accroche, du sens de l'effort dans cette valse à quatre temps.
Les formes pincées des lettres affectives comme le "a" et le "o" et celles des "n" soulignent à quel point Jean d'Ormesson puise sa force dans la réflexion et la retenue. Pudique, certainement et fort éloigné de l' image de grand séducteur qu'il laisse flotter autour de lui avec beaucoup de malice et d'humour sans doute un poil intéressé.
Voilà donc une écriture qui sait se donner la peine d'être primesautière sans que cela n'altère une prise en compte parfaitement lucide et sans concession de la réalité.
Si la mise en page, le format de l'écriture nous montre également que l'homme fait fi des règles pourvu qu'il les jugent inadéquates, les prolongements hauts des "p", les finales surplombantes des "t" et la signature non dépourvue d'un certain panache trahissent un besoin de pouvoir, de mise en vedette et de contrôle de la situation.
C'est aussi l'art du sourire dans la douleur, art que l'écrivain a nécessairement appris en traversant un siècle de tragédies. Art qu'il a sans nul doute également puisé dans la lecture des "Mémoires d'Outre-Tombe"de Chateaubriand
Questionné sur le chat de Libernautes à ce sujet, voici deux de ses réponses:
Que vous apporte les lectures de Chateaubriand ?
Chateaubriand comme Proust me font d'abord beaucoup rire.
Vous dites que Chateaubriand et Proust vous font rire, s'il vous plait dites nous en plus !...
Proust et Chateaubriand ont des phrases très longues, tout le monde le sait. Ils peuvent aussi écrire :
Chateaubriand : " Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre des nécessiteux ", Proust : "L'amour c'est l`espace et le temps rendus sensibles au cœur". Ce n'est pas à se tordre mais c'est mieux que ça.
Blog-notes*
IV (suite)
- Tout se passe comme vous le souhaitez ? Vous n'avez besoin de rien ? Me demanda-t-il.
- Non, non, merci, je viens de terminer le rapport que je dois vous laisser. J'ai pratiquement fini, juste le temps de me relire et de vérifier que je n'ai rien oublié.
- Votre conclusion ?
- Bien... Il ne fait aucun doute, graphologiquement parlant, que la lettre qui a été retrouvée a bien été écrite de la main de la jeune Morgan.
Guedj opina de la tête, visiblement soulagé par cette phrase.
- Néanmoins... ajoutai-je
Je vis sa mine se rembrunir immédiatement et ses sourcils se froncer en attendant la suite.
- Néanmoins repris-je, je comprends la réaction des parents. L'écriture de Morgan a beaucoup changé en un an. Si j'ai retrouvé suffisamment de similitudes pour pouvoir lui attribuer cette lettre, j'ai noté une lente et constante dégradation au fil de ces derniers mois. Tout se passe au niveau de l'écriture comme si elle avait régressé peu à peu vers un modèle très enfantin. D'un modèle assez conventionnel actuel chez les adolescentes de sa génération - vous verrez dans le rapport que j'y fais allusion- elle semble être retournée au temps de son enfance. Cette lettre, précisai-je en lui tendant le document, elle aurait pu l'écrire à l'âge de neuf, dix ans, au mieux à son entrée en sixième.
Il resta silencieux quelques instants, soupira et vint s'asseoir en face de moi.
- Vous savez, le nombre de suicides d'adolescents, en particulier celui des jeunes filles dans la tranche d'âge 15-16 ans dont les parents sont séparés est assez important. Les ruptures, la pression souvent ressentie dans le cadre scolaire, la consommation de cannabis, enfin toutes sortes de facteurs interviennent et peuvent entraîner un jeune dans une sorte de spirale, de glissade dans des comportements suicidaires. Morgan semble le parfait exemple de ce mal vivre d'une certaine jeunesse. Heureusement beaucoup résistent, se trouvent quelqu'un à qui parler avant de passer à l'acte, ou bien font des simulacres de suicide qui attirent l'attention de leur entourage et changent parfois les comportements autour d'eux. J'ai en tête l'exemple récent d'un jeune garçon, ancien de la DDASS, qui après s'être tranché les veines du poignet a trouvé la force d'appeler sur son portable une assistante sociale pour laquelle il avait de l'affection et qu'il considérait comme une mère de substitution. Ce coup de fil lui a sauvé la vie.
- Bel exemple de résilience, commentai-je à mi-voix
- Ho là! Vos théories de psy, vous savez ce que j'en pense... Bon, revenons à votre travail. Pouvez-vous le mettre au propre et par écrit rapidement ? Vous me le ferez parvenir par mail. Soyez très technique dans la rédaction. J'en ferai sans doute une copie pour les parents de la jeune fille. Alors du technique, rien que du technique !
Evidemment pensai-je, il s'attend à quoi d'autre ? Encore un qui est persuadé que les graphologues sont des littéraires qui passent leur temps à romancer la personnalité des gens. Il faisait référence à quoi, là ?
Bien sûr, il avait lu le bouquin que j'avais écrit après la fuite de De Bradler, puisque c'était suite à sa parution qu'il avait repris contact avec moi, d'une part pour me dire que j'aurais pu y relater son accueil de façon plus chaleureuse lorsqu'il avait pris ma première déposition, d'autre part lui donner un rôle plus important et qu'enfin il l'avait trouvé charmant, ce qui ne m'avait pas paru à l'époque et ne me paraissait toujours pas, être un véritable compliment. Transformé en critique littéraire, il en avait analysé la forme, soulignant avec une désespérante précision les quelques coquilles émaillant le récit. J'avais eu beau lui expliquer l'absence de correcteurs professionnels chez mon éditeur et les conditions nullardes dans lesquelles j'avais signé le bon à tirer, il insista lourdement et prit un malin plaisir à me mettre face à ma responsabilité " d'auteur ".
Pourtant peu de temps après cette prise de contact téléphonique, il avait fait appel à mes services dans une affaire de faux en écriture. Grâce à lui, j'avais pris goût aux authentifications, m'étais formée à la méthode Standard Handwriting Objective Examination de certains experts et développé ce service auprès de ma clientèle privée. Le manque à gagner, lié à la perte de mon principal client en recrutement, s'était peu à peu comblé par l'afflux d'une clientèle en proie à toutes sortes de problèmes mais dont l'avantage indéniable était de payer rubis sur l'ongle, voire souvent à l'avance, mes prestations. Sans s'en douter, il était devenu l'artisan de la reprise de mon chiffre d'affaires.
CQFD, je pouvais supporter qu'il soit de temps en temps un peu agaçant.
J'ajustai mes lunettes et pris mon ton le plus professionnel pour lui promettre donc d'être un modèle de technicité et cela parut le rassurer.
- Vous savez très bien que normalement, j'aurais dû faire appel à un expert, ajouta-t-il en guise d'excuse.
- Depuis le temps que je travaille pour vous, je n'ai plus besoin de faire mes preuves, il me semble, bougonnai-je, sincèrement vexée. De plus, demander l'agrément des tribunaux est une démarche que je répugne à faire depuis cette ancienne histoire. J'ai quand même fait l'objet d'une mise en examen à l'époque des faits, vous ne l'avez pas oublié ?
- Justement non, je ne l'ai pas oublié et excusez-moi d'insister mais votre travail que j'apprécie, croyez le au plus haut point, doit également être irréprochable aux yeux de ma hiérarchie. Je prends des risques avec vous ! Et allez donc savoir si vous n'allez pas recommencer à faire de la prose avec les affaires que je vous confie, ajouta-t-il avec un sourire ironique.
Là, il commençait sérieusement à me gonfler. Sa nouvelle promotion l'aurait-elle rendu à ce point sourcilleux et à cheval sur les principes qu'il en vienne à douter de ma crédibilité ? J'avais une pressante envie de lui conseiller désormais de faire appel à la crème de l'expertise mais " un tien vaut mieux que deux tu l'auras " m'avait appris ma chère maman et puis au fond de moi, je l'aimais bien ce commissaire Principal.
- Je vous envoie le rapport dès demain, vous jugerez par vous-même conclus-je, un sourire à faire fondre les plus récalcitrants au bord des lèvres.
- J'y compte bien, répondit-il en clignant de l'oeil
- Je vous raccompagne... Tiens! Vous n'avez rien noté de particulier ?
Je le regardai sans vraiment comprendre le sens de sa dernière question
- Heu! ... Non, rien, j'aurais dû ?
- Oui ! On s'entend enfin parler... Normal, reprit-il en jetant un rapide coup d'oeil à sa montre, c'est l'heure de l'apéritif et l'annexe du commissariat est à deux pas! Vous m'excuserez, mais le devoir m'appelle, fit-il en mimant le geste de trinquer.
*BLOG-NOTES est un manuscrit déposé, ayant reçu un numéro d'ISBN mais non encore corrigé et édité. Les amis bloggeurs qui auront le courage et la ténacité de lire ce petit suspense jusqu'au bout seront nommément cités sur le livre en dédicace.
Prenez le temps d'aller au bout de cette vidéo, volume son maxi!!!
Déjantés mais géniaux...
Music for one apartment and six drummers
envoyé par naly
Ou géniaux et déjantés... Comme vous préférez