Blog-notes*
PS: Il suffit de cliquer en tête de la page d'accueil sur "Romans" pour accéder aux précédents chapitres
VII
Jules Guedj laissa le silence faire son travail de sape. Immobile, les yeux plantés dans ceux de son adjoint, il savourait intérieurement cette minuscule victoire. Hervé Delane n'avait pourtant aucune envie de perdre la face devant son supérieur. Il avait haï Guedj dès sa nomination à Conflans.
- Je ne mets pas en cause le sérieux de ce travail, commissaire, entonna Delage en agitant à bout de bras une liasse de papiers fraîchement sortie de l'imprimante. Je dis simplement que cette femme n'est pas qualifiée pour faire ce genre de boulot...
Guedj jaugea du regard son adjoint. Le gars avait dix ans de plus que lui et le dépassait d'une bonne demie tête. Il avait pour lui une réputation de bosseur et de flic intègre. Tous les rapports de l'administration convergeaient dans ce sens. Delage irréprochable, Delage le meneur d'équipe, le gars de terrain qui se ferait hacher menu plutôt que de laisser un membre de son équipe prendre des risques, un mec capable de tenir en respect pendant plus de trois heures un preneur d'otages et le convaincre de se rendre sans tirer un coup de feu.
Delage, en gros, le mec qui aurait dû être là, à sa place, qui aurait dû se caler les fesses dans un fauteuil de Principal, plutôt que de continuer à en découdre avec de jeunes délinquants de banlieue, à passer des nuits blanches dans des bagnoles banalisées qui sentaient la sueur et l'urine des gars interpellés. Delage qui s'était un poil trop exposé au goût de sa hiérarchie lors des dernières élections syndicales qui avaient vu L'Alliance Police Nationale prendre le pas sur l'UNSA. Delage qui aurait pu être son ami si Guedj n'avait pas flairé très tôt des relents de racisme et d'anti-sémitisme chez ce flic " exemplaire ".
Guedj n'avait pas envie de répondre. Il sentait parfaitement l'animosité de l'homme qui piétinait la moquette de son bureau et trouvait son attaque infantile. Le dossier était pratiquement clos et ce n'était que par souci de transparence, pour reprendre un terme à la mode, qu'il lui avait communiqué le rapport d'authentification. Si Delage cherchait l'affrontement, il n'avait pas frappé à la bonne porte et encore moins au bon moment.
- Hervé, ce rapport est seulement destiné à faire taire les doutes des parents. Nous ne sommes pas dans une affaire criminelle, il s'agit d'un suicide et sachez que si j'avais le moindre doute sur ce point, j'aurais bien évidemment fait intervenir un expert. Ceci dit, je me demande ce qu'un expert aurait pu produire de mieux que cette analyse là. Comme j'apprécie votre côté scrupuleux, voire même pointilleux, je vais vous demander avant de fermer définitivement le dossier de rendre une petite visite au père Matthieu. Il m'a joint ce matin au téléphone pour me demander si je pouvais passer le voir à sa péniche. Il a soi-disant quelque chose à me montrer d'important et est cloué là-bas par une crise de sciatique. Il n'a pas souhaité m'en dire d'avantage et j'ai plusieurs problèmes urgents à régler cet après-midi au bureau. Pouvez-vous y aller à ma place ?
Delage passa nerveusement les doigts dans ses cheveux en broussaille en pensant : Bien sûr connard que je vais y aller pendant que toi tu vas plancher sur tes problèmes urgents. Comme si moi je n'avais que ça à faire, tenir le bavoir à un vieux débile qui s'emmerde à cents sous de l'heure dans sa putain de péniche et qui s'est trouvé un nouveau passe-temps, faire chier les flics.
- Aucun problème Commissaire, je me demandais justement ce que j'allais bien pouvoir faire aujourd'hui, vu que je viens juste de terminer le Sudoku du Parisien.
Guedj ne releva pas la pointe, trop heureux de voir Delage déguerpir. Il pensa qu'il devenait urgent de trouver un moyen d'amadouer l'inspecteur, d'améliorer leurs rapports, puis il cliqua sur l'adresse e-mail de la graphologue pour la remercier de son travail.
- Salut Hervé, tu pars tout seul comme un grand, sans ta garde du corps ? demanda d'une voix pointue le jeune planton de service en voyant Delage franchir le seuil du commissariat.
- Hé bleusaille, je t'en pose des questions, moi ? Tu ferais mieux de planquer tes fesses, j'sens qu'il y a de la racaille dans le coin qui a envie de se taper du poulet tout cru et j'serais toi, j'irai planquer mes miches rapidos dans les jupons de maman, répondit Hervé en ponctuant sa phrase d'une grande claque sur l'épaule du flic qui simultanément piqua un fard et rattrapa au vol le képi que la bourrade avait fait voler.
Delage partit d'un grand éclat de rire en voyant la mine dépitée du jeune et se dirigea vers sa vieille Clio de fonction garée sur l'emplacement réservé.
Après avoir mis la clé dans le contact et enclenché la marche arrière, il constata que la dernière personne ayant emprunté sa voiture n'avait pas pris la peine de remettre le rétroviseur dans sa position d'origine. Or la dernière personne à être montée dans sa bagnole, était cette pétasse de Corinne, une gonzesse tout juste sortie de la Fac, qui narguait des vieux comme lui avec ses pseudos diplômes et ses cours à la con de psychologie - sa garde du corps - comme avait dit le bleu, depuis que ce trou d'uc de Guedj l'avait affectée à son équipe.
à suivre........
*BLOG-NOTES est un manuscrit déposé, ayant reçu un numéro d'ISBN mais non encore corrigé et édité. Les amis bloggeurs qui auront le courage et la ténacité de lire ce petit suspense jusqu'au bout seront nommément cités sur le livre en dédicace.