André Malraux
1901-1976
André Malraux est né le 3 novembre 1901 au pied de la butte Montmartre. Deux ans plus tard ses parents se séparent
et le jeune Malraux sera élevé par trois femmes, sa mère, sa grand-mère et une tante épicière à Bondy. Dans ses Antimémoires (1967) il évoquera son enfance en ces termes : " Presque
tous les écrivains que je connais aiment leur enfance, je déteste la mienne". Il n'aimait guère, non plus, que l'on fouille ce "tas de petits secrets" qu'est la vie d'un homme... Aussi
s'emploiera-t-il à brouiller les pistes concernant sa propre existence.
Il existe néanmoins suffisamment d'éléments pour tenter de le faire...
À l'âge de 14 ans, il entre à l'école supérieure de la rue Turbigo (le futur lycée Turgot), période durant
laquelle il fréquente déjà assidûment les bouquinistes, les salles de cinéma, de théâtre, d'expositions, de concerts.
Doué d'une grande curiosité et d'une mémoire prodigieuse, il devient "chineur" pour un libraire-éditeur parisien,
et s'immisce ainsi dans les milieux littéraires et artistiques de l'avant-garde.
En 1918, il n'est pas admis au lycée Condorcet et abandonne ses études secondaires, il n'obtiendra jamais son
baccalauréat ce qui ne l'éloignera pas de la littérature, bien au contraire. Il fréquente les milieux artistiques de la capitale et publie ses premiers textes dès 1920 : petits essais de théorie
littéraire, comptes rendus critiques et premières proses
Malraux se passionne pour la peinture cubiste. Un grand marchand de tableau, qui est aussi éditeur,
Kanhweiler, éditera en 1921 le premier livre de Malraux : Lunes en papier.
Puis il rencontre Clara Goldschmidt, riche héritière d'une famille allemande émigrée. Il l'épouse en 1921 et
décide de placer la fortune de son épouse dans des actions d'entreprises minières mexicaines. Les cours chutent et le jeune couple est ruiné. L'idée farfelue de se rendre en Indochine pour y
voler des statues khmères et les revendre à un collectionneur afin de se reconstituer un capital germe dans son esprit. Nouvel échec : le couple est arrêté à Phnom Pen et André Malraux écope
de trois ans fermes. Sa femme, bénéficiant d'un non-lieu rentre en France et parvient à le faire libérer grâce au soutien de grands écrivains français et d'un arrangement
diplomatique.
En 1930, dans le roman La Voie royale, il s'inspirera de ces péripéties.
Impressionné par la vie coloniale, il repart pour l'Indochine et y fonde un journal d'idées anticolonialistes :
L'Indochine enchaînée.
Revenu en France, il publie ses premiers romans : La Tentation de l'Occident en 1926, Les
Conquérants en 1928 , La Voie royale en 1930, prix Interallié.
La condition humaine lui vaut le prix Goncourt en 1933.
Dès cette même année 1933, il milite contre le fascisme et le nazisme, puis rejoint les républicains espagnols à
partir de 1936. Il monte de toutes pièces l'escadrille España et en prend le commandement comme colonel, jusqu'en 1937. Après s'être inspiré de son combat pour écrire le roman L'Espoir, publié en
décembre 1937, il tourne le film « Espoir, sierra de Teruel » en 1938, puis s'engage en 1939, à la déclaration de guerre.
En novembre 1939, il est admis dans une unité de chars de combat basée à Provins, où il reste jusqu'au 14 mai
1940. La défaite, une évasion d'une ferme après s'être déclaré volontaire pour aider aux moissons, puis plus rien... jusqu'en 1943 où il entre sous le nom de colonel Berger dans la résistance,
après l'arrestation par les allemands de ses deux demi-frères.
Il s'est entre temps remarié à Josette Clotis dont il aura deux fils, Gaultier et Vincent.
Arrêté par les Allemands à Gramat le 22 juillet, il est transféré de prison en prison jusqu'à Toulouse) pour des
interrogatoires au terme desquels il aurait été l'objet d'un simulacre d'exécution. Libéré par un coup de force des frères Angel, du groupe de Jean-Pierre Vernant, il se retrouve libre quand les
Allemands quittent la ville, le 19 août.
Fin août 1944, séjournant à Paris, il rencontre Ernest Hemingway. En septembre, il forme la brigade
Alsace-Lorraine, qui réunit d'anciens maquisards alsaciens et lorrains réfugiés dans le sud-ouest. À la tête de la brigade, Malraux reçoit la reddition de la première unité allemande en zone sud,
puis participe dans les Vosges et en Alsace à la campagne de la première armée française, notamment lors des prises de Dannemarie, de Strasbourg et de Colmar. Le 15 mars 1945, la brigade est
dissoute.
C'est alors qu il rencontre le Général de Gaulle. Une grande admiration réciproque se crée entre les deux hommes.
Malraux accepte de devenir son conseiller technique à la Culture et devient un éphémère ministre de l'Information de novembre 1945 à janvier 1946.
Pour André Malraux débute une collaboration avec le Général qui sera sans failles. Il est à ses côtés au RPF,
s'occupe de la propagande entre 1947 et 1954 et deviendra lorsque le général sera au pouvoir, Ministre d'Etat chargé des Affaires culturelles de 1959 à 1969.
Le militant révolutionnaire s'est mué en militant gaulliste. Sa diction magnétique et haletante résonne pour
longtemps dans toutes les mémoires : l'oraison funèbre de Braque et le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon...
Il publie en 1951 La Voix du Silence, La Métamorphose des dieux à partir de 1957 et les
Antimémoires en 1967.
Mêlant politique de prestige et œuvre sociale, il crée les Maisons de la Culture, le système "d'avance sur
recettes", en juin 1959 pour aider la création cinématographique.
Pour Malraux, l'œuvre d'art, comme la civilisation, est éphémère et mortelle :
« Nous croyons savoir depuis quelques siècles que l'œuvre d'art survit à la Cité et que son immortalité
s'opposerait à la misérable survie des dieux embaumés, or ce qui apparaît c'est la précarité de la survie artistique, son caractère complexe » (Malraux, 1972). Parce que l'art est éphémère,
il faut redonner à l'œuvre sa voix, la rendre à nouveau présente. Dès 1935, dans son discours au congrès international des écrivains, il déclare : « Toute œuvre est morte quand l'amour
s'en retire » (Malraux, 1996, p. 123). Parce que « l'œuvre d'art n'est pas seulement un objet mais une rencontre avec le temps », elle a besoin de nous pour revivre de notre
désir, de notre volonté : « L'héritage ne se transmet pas, il se conquiert » (p. 123). Le domaine de la culture est la vie de ce qui devait appartenir à la mort. Si
« l'un des objets de la culture, c'est l'ensemble des résurrections », (Malraux, 1972, p. 278), c'est parce que les statues de nos cathédrales ou les statues de la Grèce ne sont
pas ce qu'elles étaient pour ceux qui les sculptaient. Par ailleurs pour lui, comme pour Baudelaire, c'est le lecteur qui fait le poème ou comme le déclarait Marcel Duchamp : « Ce
sont les regardeurs qui font le tableau ». Cela explique ses actions en faveur du plus grand accès possible de la « masse » à la Culture.
Lorsque le général de Gaulle quitte le pouvoir, il en fait de même, fidèle jusqu'au bout à son engagement. En
1970, il publie les Chênes que l'on abat, un dernier hommage au général de Gaulle disparu, dont il était resté le plus proche des compagnons et l'une des rares personnes admise auprès de lui
jusqu'à sa mort.
Sa vie aura été marquée par de cruelles épreuves personnelles : il a perdu, pendant la guerre, ses deux
demi-frères, Claude et Roland, engagés dans des réseaux britanniques du SOE et morts en déportation, puis Josette Clotis, décédée en novembre 1944 happée par un train. Enfin, ce sont ses deux
fils qui meurent ensemble en mai 1961 dans un accident de voiture.
Lui-même n'a-t-il que de peu échappé à un attentat de l'OAS le 7 février 1962, à son domicile de
Boulogne-Billancourt.
Remarié en 1948, à Madeleine, la veuve de son demi-frère Roland mort en déportation, il s'en sépare en 1966, et
vit alors auprès de Louise de Vilmorin jusqu'à la mort de celle-ci en 1969, puis auprès de la nièce de Louise, Sophie de Vilmorin.
Louise de Vimorin (à gauche sur la photo) et André
Malraux
André Malraux décède le 23 novembre 1976, d'une congestion pulmonaire à l'hôpital Henri-Mondor de
Créteil.
Dans le cadre de la célébration du 20e anniversaire de sa mort, et à l'instigation de Pierre Messmer, les cendres
de Malraux ont été transférées au Panthéon en 1996.
On lui a souvent attribué la phrase « Le siècle prochain sera religieux ou ne sera pas », qui semble en fait une
citation non littérale de ce propos authentique : « Je pense que la tâche du prochain siècle, en face de la plus terrible menace qu'ait connue l'humanité, va être d'y réintégrer leurs dieux.
»
Et son écriture :
Petite écriture alerte, rapide, inclinée, au bic bleu foncé, à l'appui différencié, étalée, à la continuité très
inégale (nombreuses levées de plume et quelques trous dans les mots - cf le mot "hommages"), aux finales à peine equissées pour certaines (certains "e" et certains "s" sont à peine lisibles),
comportant des combinaisons, des jambages très variés (étayés, pendants, remontants), sur une ligne de base souple et tenue, interlignes espacés et mise en page aérée et progressive.
Signature conforme à l'écriture, mais montante et soulignée.
Maturité et réflexion chez un André Malraux, parfaitement conscient de ses compétences et parfaitement
déterminé à jouer un rôle de premier plan. Les capacités d'analyse, de prise de recul, la lucidité intellectuelle et la vivacité de la pensée s'expriment avec spontanéité et naturel dans son
graphisme.
Le tempérament inquiet, sur le qui-vive est combattu par une extrême concentration et une rigueur d'analyse.
Pourtant, l'enthousiasme, l'emballement, l'aptitude également à ressentir les choses avant tout le monde et avec une sensibilité intellectuelle exacerbée, scandent l'écriture et expliquent dans
un climat général de mesure, de contrôle et de discrétion, des coups de coeur et des coups de gueule, des impulsions et des initiatives hardies.
Pressé par le temps, inquiet de ne pas en avoir assez pour mener à terme l'ensemble des projets qui alimentent sa
détermination et son goût de l'action, sa vision large et prospective, il essaie néanmoins de faire la part des choses, de ramener les faits, leur importance, les problèmes qu'ils suscitent à
leur juste proportion. Le "chaud" et le "froid" soufflent donc en permanence et en parfaite symbiose sur cette écriture plus complexe que la simplicité apparente des formes ne le laisserait
supposer.