Blog-notes*
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XX
Djamila n'avait ni l'envie ni le courage de l'affronter. Elle décida de laisser Delage user jusqu'à la corde la moquette, vida le fond refroidi de son bol de
café et entreprit de ramasser une à une les miettes de croissants éparpillées sur le drap de lit. A ce compte, la tactique s'avéra payante. Fatigué de tourner en rond et en l'absence de nouveau
sujet pouvant justifier sa colère, le commissaire vint la rejoindre sur le lit, l'air contrit.
- Je te demande de m'excuser. Je ne vais pas gâcher cette matinée. Mais avoue quand même ! Alors quoi ? Qu'est-ce qu'il me veut ce bon père Matthieu
?
Djamila lui répondit par un regard interrogateur afin de s'assurer qu'il ne bluffait pas et était disposé à l'écouter. Il comprit le
message.
- Vas-y, dis-moi... Je te promets de ne plus m'emporter. Enfin d'essayer.. Ajouta-t-il un vague sourire aux lèvres.
- Quand tu as quitté sa chambre d'hôpital, hier, nous avons un peu discuté et à un moment, il m'a demandé de récupérer un papier dans sa veste. Tu avais
raison Hervé... Il avait bien gardé un autre document appartenant à Morgane.
Le commissaire leva les yeux au ciel avec un soupir d'agacement.
- Tu as promis Hervé ! Je peux continuer ?
Delage acquiesça en silence.
- Je disais donc qu'il avait gardé un texte imprimé avec un poème, à la fois en souvenir de l'adolescente et par amour du poète. C'est du moins ce qu'il
prétend. Mais voilà, j'ai vite découvert que ce document est une impression d'écran d'un blog et cela le père Matthieu ne pouvait le savoir. Hier soir, avant de te rejoindre pour dîner, je me
suis connectée à la plate-forme depuis chez moi, pour en savoir un peu plus. J'avais le nom en clair du pseudo sur le document. Première surprise, ce blog est supprimé depuis déjà trois
semaines. J'ai alors fait une recherche en " cache " sous Google et là j'ai retrouvé la dernière mise à jour. Elle date du 5 juin exactement, soit deux jours après l'annonce dans la presse du
suicide de Morgane. Tu ne trouves pas cela curieux ?
Le commissaire fit mine de s'intéresser, hocha la tête en signe d'encouragement avec une conviction pleine de retenue.
- Je n'ai pas pu remonter plus avant dans ma recherche, mais je pense que ce mec était en contact avec Morgane et tout ce que j'ai réussi à lire sur
l'écran, n'est qu'une pure et simple incitation au suicide. On a un dingue qui passe son temps à piéger des ados pour les pousser à passer à l'acte. Il faut faire quelque chose Hervé
!
Djamila se tut, guettant un signe d'approbation de Delage.
- Oui et combien même, finit-il par répondre. S'il n'y a pas incitation au meurtre, de propos racistes ou un réseau pédophile derrière tout cela, que
veux-tu que je fasse ? Tu as le droit de mettre quasiment n'importe quoi sur Internet, tu n'iras pas en taule pour autant.
- Mais Hervé, je n'ai eu accès qu'à un tout petit bout de ce blog. Il faudrait pouvoir remonter tout l'historique. Qui sait si ce type n'a pas plusieurs blogs sous des pseudos différents et
des activités encore plus illicites ?
- Pour le savoir, il faudrait que les parents déposent une plainte, ce qui veut dire leur en parler, raviver leur peine et peut-être leur donner de faux
espoirs. Par ailleurs, Guedj devra être mis au courant et là cela risque d'être coton. Le dossier pour lui est clos, et je ne peux que lui donner raison. J'ai bien un ami qui travaille au Service
d'investigations et de recherches de Versailles, mais de là à lui demander d'intervenir de son propre chef et sans soutien de la hiérarchie...
- Heu! Il me semble que Gerbault a un petit ami qui bosse lui au SRTJ de Rosny, la gendarmerie ce n'est pas mal non plus, on pourrait peut-être lui
demander de faire une recherche ?
- La police plus la gendarmerie, tu n'y vas pas de main morte, s'esclaffa Delage... Sur une simple feuille de papier et tout cela pour les beaux yeux
d'une fliquette qui est tombée amoureuse d'un vieux radoteur de marinier. Gerbault a un petit ami ? Putain, je ne peux pas le croire... Je l'aurais bien vue gouine
celle-là!
- Hervé, t'es parfois très con, tu sais ?
La jeune femme n'attendit pas la réponse de Delage, le renversa sur le lit et l'embrassa avec passion. Elle lui cloua les bras derrière la tête,
l'enfourcha et écarta les jambes d'un geste brusque qui fit valser le plateau du petit déjeuner sur la moquette, briser une tasse dans la chute, renverser sur la pure laine le contenu du
beurrier.
- Tu feras quelque chose pour coincer ce type ? Lui souffla-t-elle dans l'oreille entre deux baisers.
- Il va me falloir des arguments très convaincants, très, très convaincants, répondit-il en lui saisissant les hanches
à suivre......
*BLOG-NOTES est un manuscrit déposé, ayant reçu un numéro d'ISBN mais non encore corrigé et édité. Les amis blogeurs qui auront le courage et la ténacité de lire ce petit suspense jusqu'au bout seront nommément cités sur le livre en dédicace.